Les droits des travailleurs attaqués comme jamais, les syndicats appellent à la mobilisation

Chaque année, la Confédération syndicale internationale (CSI) calcule « l’Indice CSI des droits dans le monde » pour évaluer l’état des droits de la classe travailleuse à travers le globe. Cette année 2025 marque une aggravation profonde. Mais, outre un sombre constat factuel, la CSI donne les outils pour améliorer les choses. « Plus le mouvement syndical sera solide et vaste, plus nous réussirons à inverser la tendance – pour une démocratie garante d’un avenir plus juste et plus durable pour tous », rassure son président, le Belge Luc Triangle.

La douzième édition de l’Indice CSI dresse un tableau alarmant de l’exploitation des travailleuses et travailleurs des quatre coins de la planète (rapport complet à lire ici). Les scores moyens des pays se sont détériorés dans la majorité des régions, l’Europe et les Amériques atteignant leurs plus mauvais résultats depuis le début de ce calcul annuel en 2014. Seulement une poignée de pays garantissent encore pleinement les droits. Le droit de grève, la négociation collective, la liberté syndicale et l’accès à la justice sont massivement bafoués. Selon la confédération —  qui regroupe plus de 200 millions d’adhérents dans 163 pays —  ce rapport est un « appel urgent à l’action pour résister à ce coup porté à la démocratie », orchestré par l’alliance de gouvernements autoritaires et leurs patrons —  les détenteurs du capital.

Selon l’Indice CSI 2025, la situation des droits des travailleurs s’est considérablement dégradée à l’échelle mondiale. Moins d’une décennie après sa création, l’Indice révèle que plus d’un pays sur trois (51 pays) est désormais classé dans les catégories les plus basses (5 ou 5+), signifiant « aucune garantie des droits », voire un effondrement de l’État de droit. C’est une forte augmentation par rapport à 2014. Les notes moyennes ont chuté dans trois des cinq régions : l’Europe et les Amériques enregistrent leurs pires résultats historiques. L’Europe a vu sa note moyenne atteindre son plus mauvais niveau. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord demeurent les pires régions pour les droits des travailleurs.

La situation en Belgique est pointée dans le rapport annuel : « Les autorités [en Belgique] ont continué de réprimer les grévistes ». Et vont même plus loin avec « une nouvelle loi criminalise les “attaques malveillantes contre l’autorité de l’État” lors des manifestations ». « La nouvelle coalition gouvernementale fait désormais pression en faveur d’une interdiction judiciaire des manifestations publiques. » Selon la CSI, ces mesures démontrent comment l’État belge, sous l’influence de partis de droite et de leurs alliés, cherche à saper le droit fondamental de manifester et de faire grève via des violations régulières des droits de la classe travailleuse dans le pays.

Dans le monde, les libertés fondamentales ont reculé

Les chiffres à l’échelle mondiale sont inquiétants. Le droit de grève a été violé dans 87 % des pays en 2025, un chiffre qui égale le niveau record de 2024. Le droit à la négociation collective a été restreint dans 80 % des pays. Le droit de constituer un syndicat ou de s’y affilier a été refusé dans 75 % des pays, et l’enregistrement légal des syndicats a été entravé dans 74 % des pays. L’accès à la justice s’est fortement dégradé, les travailleurs n’y ayant qu’un accès limité, voire inexistant, dans 72 % des pays. Les libertés fondamentales d’expression et de réunion ont été attaquées dans un nombre record de 45 % des pays.

Derrière ces chiffres alarmants se cache une offensive organisée. Le rapport dénonce un « véritable coup d’État contre la démocratie » mené par les entreprises et les autorités publiques, souvent « orchestré par des démagogues d’extrême droite soutenus par des milliardaires déterminés à réorganiser le monde pour servir leurs propres intérêts, aux dépens des travailleurs ». Cette concentration du pouvoir économique « autorise une poignée de milliardaires à exercer une influence démesurée sur les prises de décisions mondiales, y compris sur les droits et les protections liés au travail, ce qui entraîne des conséquences directes pour la vie des travailleurs et des travailleuses, qui font fonctionner l’économie ». Des exemples de cette alliance néfaste sont cités, comme le président argentin Javier Milei ou Donald Trump et Elon Musk.

Les travailleurs ciblés par la violence des États

Les travailleurs sont également confrontés à la violence physique. Dans 26 % des pays, des travailleurs ont subi des violences. Plus tragiquement, des syndicalistes ont payé de leur vie leur militantisme en Afrique du Sud, au Cameroun, en Colombie, au Guatemala et au Pérou. Par exemple, au Guatemala, Ronaldo Geovany Gómez Godoy, dirigeant syndical, a été tué par des tueurs à gages en septembre 2024. Au Cameroun, un travailleur saisonnier a été abattu par la police lors d’une manifestation pour de meilleurs salaires.

« Si le déclin se poursuit à ce rythme, dans dix ans plus aucun pays au monde n’obtiendra la note la plus élevée en matière de respect des droits des travailleurs. Ce scandale mondial n’est toutefois pas inéluctable ; il s’agit d’une décision délibérée qui peut être inversée », explique le président de la CSI, Luc Triangle.

Malgré cette offensive, les syndicats ripostent

Le rapport souligne la « réaction inspirante des syndicats à l’échelle mondiale pour reconquérir les droits des travailleurs ». Des victoires significatives ont été obtenues grâce au pouvoir collectif. En Côte d’Ivoire, les employés de DHL ont pu élire des représentants syndicaux pour la première fois en mai 2024. Au Canada, une nouvelle loi contre les « briseurs de grève » a été adoptée en juin 2024, interdisant aux patrons de remplacer les grévistes. À l’île Maurice, une confédération syndicale lutte activement pour protéger les travailleurs migrants exploités. Au Ghana, l’action syndicale a conduit à l’annulation de la licence d’exploitation d’une mine d’or dont le propriétaire ne respectait pas ses obligations envers les travailleurs. En Indonésie, les syndicats ont obtenu un jugement historique annulant partiellement une loi préjudiciable aux droits des travailleurs. Ces exemples démontrent que le mouvement syndical, « le plus grand mouvement démocratique au monde », incarne le pouvoir collectif indispensable pour défendre nos droits et construire un avenir plus juste.