Belgian Pride: la solidarité dans la diversité

La Belgian Pride, manifestation annuelle de holebis et de transgenres (LGBT), aura lieu à Bruxelles le samedi 14 mai prochain. Nous nous sommes entretenus avec le président, Chille Deman, sur l’actualité de ce genre d’événement et le rôle de la Pride.

Ces dernières années, l’acceptation des LGBT s’est améliorée. Quelle fonction une manifestation comme la Pride a-t-elle aujourd’hui ?

Chille Deman. Tout d’abord, tout n’a pas encore été réalisé. Pour les transsexuels, par exemple, les personnes qui ont changé de sexe, il existe toujours une législation terriblement discriminatoire. C’est d’ailleurs la principale revendication politique de cette année : nous voulons une législation clairement non discriminatoire à l’égard des transgenres. Sur d’autres plans, nous sommes plus avancés au plan de la législation. Et la Pride y a joué un rôle important.

Ce n’est pas une manifestation purement politique ou sociale, mais c’est tout à la fois. La Pride canalise toutes les forces qui veulent maintenir la pression sur le politique et la société. Ainsi, nous pouvons nous concentrer sur des problèmes importants et nous pouvons continuer à faire pression pour obtenir enfin une égalité de nos droits. 

Du fait que la Pride s’est développée d’année en année, en même temps que l’acceptation publique, une conscience politique s’est également développée. C’est une manifestation annuelle, et le politique sait aussi que, s’il a fait des promesses une année, l’année suivante, on lui demandera des comptes. Je ne dis pas que c’est la Pride à elle seule qui a, par exemple, obtenu le mariage homosexuel, mais c’est malgré tout un moyen de pression efficace pour maintenir l’agenda politique dans son actualité. Plus de 100 000 personnes qui se rassemblent dans les rues de Bruxelles, ça compte.  

Quels sont les atouts de la Pride ? 

Chille Deman. La Pride n’est pas seulement une manifestation, c’est aussi un manifeste politique. C’est un carnaval, une fête, un moment d’échange. Après un Pride Festival de deux semaines avec des activités dans tout le pays, vient le point culminant, la journée avec le défilé et le rassemblement. La raison pour laquelle tant de gens viennent, c’est que tout le monde peut faire une sorte de coming-out public sur le plan de l’amour et de la diversité. Et, là, la Pride est unique. On peut y parcourir les rues ouvertement en tant que couple homo, couple hétéro, etc. Il y a une forme d’acceptation publique que d’aucun trouveront choquante, sans doute, mais dont on peut faire l’expérience une fois par an. 

Quels thèmes sont abordés par la Pride ? 

Chille Deman. En 1995, quand nous nous sommes lancés dans la série annuelle des Prides, notre horizon était plus restreint. À l’époque, on ne parlait guère de transsexuels ou de bisexuels, par exemple. On se concentrait avant tout sur l’égalité des droits pour les homos et les lesbiennes. Mais, au fil des années et avec la réalisation de points de lutte importants, une base portante est née pour un public plus large, pour un groupe plus important de personnes. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous parlons de communauté LGBTQI+ (Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, Queer et Intersexual Plus, NdlR). 

Une conscientisation s’est donc créée et la diversité a été de plus en plus acceptée. Quand nous avons obtenu nos principales revendications, en Belgique, la Pride a évolué vers un événement pour tous. Pride for everyone ! C’est une fête pour tous ceux qui disent « Et, après tout, m… ! Que m’importe qui tu aimes ! » Un être humain doit pouvoir être la forme la plus authentique de soi-même. C’est pourquoi la Pride est une plateforme qui donne à tous la possibilité de montrer au monde extérieur qui il ou elle est vraiment. 

Qu’adviendra-t-il une fois que les revendications principales seront réalisées ? 

Chille Deman. ça ne s’arrête pas à leur seule réalisation. Il faut encore faire tout un travail sur le plan du changement des mentalités. En 1948, les femmes aussi ont reçu le droit de vote, mais l’égalité entre homme et femme est encore aujourd’hui un problème très actuel. Donc, autour de l’acceptation de la diversité, il nous reste encore des années et des années de travail. Et, si nous organisons ce festival annuellement, nous ne le faisons pas uniquement pour mettre en avant nos revendications, mais pour une acceptation et une conscientisation au niveau de toute la société. 

C’est une expérience pour tous, jeunes et moins jeunes, qui sont peut-être aux prises avec eux-mêmes. S’ils peuvent voir cela chaque année, ils finissent souvent par se rendre compte : « Je ne suis pas seul(e). » Le message disant qu’on peut être qui on veut être est donc très important, tant pour les jeunes que pour les plus âgés. 

La plate-forme de revendication de la Belgian Pride a fortement évolué. Comment la voyez-vous d’ici dix ans ? 

Chille Deman. Le message que nous recevons de plus en plus, c’est qu’une Pride en Belgique peut signifier un énorme soutien pour les pays où une telle Pride est quasiment impossible. Comme elle est soutenue par le politique, elle est plus qu’importante pour les autres communautés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Je pense donc qu’à l’avenir la Pride deviendra de plus en plus une incarnation de la solidarité internationale. 

Nous avons reçu des organisateurs de la Pride de Riga, la capitale de la Lettonie, un message disant que la Belgian Pride était une véritable aubaine. Le soutien politique et social que la Belgique a pu témoigner les a confortés dans leur mission de continuer à organiser leur Pride et de déclencher petit à petit un changement de mentalité dans l’opinion publique.  

Maintenant il n’existe pas de recette unique et universelle qui va apporter à tous l’émancipation. Chaque pays doit choisir lui-même une façon de travailler la plus adéquate qui soit. 

http://pride.be/fr

Article publié dans le mensuel Solidaire de mai 2016. Abonnement.