Charles Michel en Israël : business as usual ?

Charles Michel s’est rendu en visite officielle en Israël du 6 au 8 février. Lors de son séjour, le parlement israélien a envoyé un signal à son hôte et à l’ensemble de la Communauté Internationale en votant une loi régularisant des dizaines de colonies considérées auparavant comme « sauvages » par l’État d’Israël. 

Les nouvelles colonies sont construites sur des terres palestiniennes volées. Leurs propriétaires ont engagé des procès devant les tribunaux israéliens pour récupérer leurs terres et étaient sur le point de les gagner. Une de ces colonies « sauvage », souvent habitées par les plus radicaux des colons israéliens, venait d’ailleurs d’être évacuée. Pour éviter d’autres évacuations de ce genre, le gouvernement israélien a tout simplement changé la loi pour les rendre légales. 

Il s’agit donc d’une annexion de facto, qui se passe sous nos yeux, alors que l’ONU approuvait une résolution condamnant clairement la politique de colonisation de l’État israélien il y a deux mois à peine.

En plus de cette légalisation, d’autres mesures ont été prises par le gouvernement israélien depuis le vote de New York. En effet, poussé dans le dos par une administration Trump qui lui est favorable, Israël a autorisé depuis le 20 janvier 2017, la construction de 6 000 nouveaux logements (un record !) dans les colonies considérées comme « légales » par Israël, la destruction de 119 maisons de Palestiniens et le déplacement forcé de 177 d’entre eux. Au cours des dernières années, le nombre de colons en Cisjordanie a augmenté de 296 000 en 2009 à 390 000 fin 2015. 

Condamnation en paroles, pas dans les actes

A l’annonce de cette nouvelle loi au beau milieu de sa visite officielle sur place, la réaction du Premier ministre face à ce nouveau pied de nez à la communauté et au droit international a été fort timide : « Nous condamnons politiquement cette infraction au droit international. Ce n’est certainement pas un pas dans la bonne direction, bien au contraire. A nos yeux, cette loi est un recul dans une relance du processus de paix. Les colonies sont un obstacle au processus de paix. Nous ne pensons pas que ce soit une démarche qui favorise la confiance, au contraire. » Mais de quelle confiance parle-t-il ? Depuis les Accords d’Oslo de 1993, censés aboutir à un accord de paix, le nombre de colons dans les Territoires occupés a plus que doublé, et Israël en fait toujours à sa guise sans être inquiété le moins du monde. Dans les faits, il s’agit donc d’une énième condamnation en parole, mais qui n’est pas suivie d’actes, car le business lui, doit se poursuivre as usual... Le programme du Premier ministre annonçait d’ailleurs sur son site Internet avant son départ pour Tel Aviv qu’il effectuerait « des visites d’entreprises et de projets belges, rencontrera des représentants de la société civile ainsi que la communauté belge expatriée ». 

Mais Charles Michel aurait pu prendre le temps de rendre visite à ces paysans palestiniens qui ont été spoliés de leurs terres, ou aux milliers de prisonniers politiques palestiniens, ou encore de passer par un des innombrables check-points qui font de chaque déplacement un cauchemar pour les Palestiniens. Mais il ne l’a pas fait. Certes, il a rendu visite à deux associations israéliennes qui s’opposent à la colonisation, Breaking the Silence et B’Tselem. Mais, vu qu’il ne voulait pas froisser outre mesure son partenaire commercial, il ne l’a fait uniquement qu’à titre informatif. Et il s’est bien gardé de réagir aux insultes (car comment les qualifier autrement ?) que lui a adressé le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui a dénoncé la « ligne anti-israélienne du Premier ministre belge » en visitant ces deux associations qui défendent simplement le droit international. 

Suspendre tout lien économique avec Israël

Pourtant, avant cet « incident », tout s’était bien déroulé entre eux. Ils avaient pris le temps de discuter affaires, Netanhayou se félicitant d’ailleurs des bonnes relations économiques avec la Belgique… Peut-être ont-ils même évoqué la prochaine réunion du Conseil d’association entre l’Union européenne et Israël ? La dernière réunion de ce genre, qui cherche à améliorer et augmenter les relations économiques entre l’UE et Israël, a eu lieu en 2012.  La prochaine était annoncée pour le 28 février prochain, mais la nouvelle loi sur les colonies a refroidi quelques pays et a fait en sorte qu’elle soit postposée.

Et c’est bien là que réside le problème : tant que, d’un côté, la Belgique et l’Union européenne condamne les violations répétées des droits humains et des résolutions successives de l’ONU par Israël ; mais que de l’autre, nos élites politico-économiques continuent à vouloir faire du business comme si de rien n’était, la situation ne changera pas d’un iota et Israël continuera à bafouer les droits les plus élémentaires des Palestiniens. Une résolution, votée « avec enthousiasme » par Ecolo, au Parlement fédéral en novembre dernier va d’ailleurs dans ce sens, voulant relancer le processus de paix au Moyen-Orient, elle empêche néanmoins de manière explicite tout boycott ou toute sanction économique à l’égard d’Israël. Alors que c’est justement de cela qu’il s’agit. Israël n’a que faire des condamnations successives qui n’ont aucune conséquence contraignante. La solution passera par suspendre tout lien économique avec Israël tant qu’il ne respectera pas le droit des Palestiniens. Il faut arrêter les missions économiques en Israël et suspendre l’Accord d’association UE-Israël. Et il faut aussi qu’ici en Belgique, des sanctions très concrètes soient prises, notamment en mettant fin à la collaboration de l’université de Louvain (KUL) et du SPF Justice au sein du projet international « Law Train » qui vise à améliorer les techniques d’interrogatoires développées par la police israélienne.¹ 

Enfin, il faut interdire la vente de produits des colonies en Belgique. Nous ne voulons pas être complices...

1. www.stop-law-train.be