« Il n’y a plus de place pour la dimension humaine de notre métier » :: La révolte du personnel des homes Orpéa

Les membres du personnel des maisons de repos de la multinationale Orpéa n’ont parfois même pas de gants de toilette pour laver les résidents. Ils manquent de moyens, de personnel… Pourtant, Orpéa a fait 164,9 millions d’euros de chiffre d'affaires en Belgique en 2014. C’est pourquoi, depuis le 4 mars, des arrêts de travail ont eu lieu dans différents homes.

Depuis le 4 mars dernier, le personnel soignant des maisons de repos du géant français Orpéa a mené des arrêts de travail et des actions devant une série de résidences à Bruxelles, à Liège et dans le Brabant wallon. Les travailleurs et leurs représentants syndicaux dénoncent, en front commun, le refus de la direction de créer 20 emplois pourtant subsidiés, et le rejet des revendications proposées par les trois organisations syndicales au bureau de conciliation, le 3 mars dernier. « Les travailleurs sont révoltés par le mépris vis-à-vis des résidents, mais également par le fait que la direction accepte, de ce fait, de continuer à détériorer leurs conditions de travail alors qu’elle réalise des plantureux profits sur le dos des résidents », peut-on lire dans un communiqué de presse du front commun syndical.

Des témoignages choquants

Des chèques repas pour tous, un jour de congé en plus après 5 ans d’ancienneté, du matériel en suffisance, une charge de travail correcte pour une prise en charge de qualité des résidents… Telles sont quelques-unes des revendications qui ont été soumises par les organisations syndicales à la direction, pour répondre à une situation alarmante. Les témoignages que nous avons récoltés de la bouche de ces infirmières, aides-soignantes, femmes de ménage qui travaillent dans les maisons de repos Orpéa disséminées dans tout le pays (58 en Belgique), sont révoltants autant pour le personnel que pour les résidents.

« Nous n’avons même pas assez de matériel pour travailler. Parfois, nous n’avons pas d’autres choix que de faire la toilette des résidents avec des taies d’oreiller, parce que nous manquons de gants de toilette propres. » 

« Je n’ose même plus regarder les résidents dans les yeux de peur qu’ils commencent à me parler et que je perde du temps pour continuer mon travail. »

« Avant, quand un résident qui n’avait pas de famille vivait ses dernières heures, nous pouvions rester à ses côtés. Maintenant, ce n’est juste plus possible. Et certains résidents meurent seuls. »

Nombreuses sont émues, lorsqu’elles nous décrivent ces réalités qui n’ont cessé de se dégrader ses dernières années. « On ne fait que courir toute la journée, il n’y a plus de place pour la dimension humaine et sociale de notre métier. C’est dur au quotidien pour nous, mais ça nous fait aussi mal au cœur pour les résidents en fin de vie. »

Marchandisation des soins

La politique européenne de libéralisation des services, ainsi que le sous-investissement du public dans le secteur non marchand, ont encouragé ces quinze dernières années le développement de grandes multinationales qui profitent du vieillissement de la population européenne et de la fragilité de ce public pour engendrer un maximum de profit. Le groupe français Orpéa, coté en bourse depuis 2002, est présent dans plusieurs pays d’Europe et projette de s’implanter en Chine. Il se porte bien, et même très bien. En 2014, son chiffre d’affaires a augmenté de 21,2 % par rapport à l’année précédente, passant de 1,6 à 1,95 milliard d’euros, soit deux fois plus que les prévisions annoncées au début de l’année 2014. En Belgique aussi, le groupe se porte bien puisque son chiffre d’affaires est passé de 158 à 164,9 millions d’euros.

Des résidents sont descendus marquer leur solidarité avec les membres du personnel en arrêt de travail devant certaines résidences. Ils soutiennent le combat de ces travailleurs qui se battent non seulement pour améliorer leurs propres conditions de travail, mais aussi les conditions de fin de vie des résidents qui ont droit à des soins de qualité. Les travailleurs et leurs représentants continueront à maintenir la pression sur la direction tant qu’elle continuera de ne pas prendre en compte leurs revendications légitimes, nécessaires et totalement finançables.

*Claudia Chin est responsable des relations syndicales du PTB à Bruxelles. Nele Vandembempt est médecin à la maison médicale Médecine pour le Peuple à Schaerbeek, La Clé.