« La restructuration chez Proximus entre entièrement dans la vision et la politique du gouvernement »

La restructuration et les économies annoncées chez Proximus sont présentées comme inévitables. Ce que Michaël Lembregts, délégué principal CGSP chez Proximus, où il travaille depuis quinze ans, conteste totalement : « Pourquoi une entreprise qui fait du bénéfice devrait-elle faire des économies ? »

On annonce la suppression de 1900 emplois et en même temps 1250 embauches. Comment est-ce possible ?

Michaël Lembregts. La volonté est de remplacer une partie du personnel par des nouveaux, plus formés pour l'ère du numérique. On veut garder uniquement ceux  qui sont les plus qualifiés, à qui il suffit de quelques formations pour pouvoir suivre le mouvement. Le reste doit passer à la trappe. Il s'agit de personnes avec moins de qualifications ou qui sont moins spécialisées. Quant aux conditions sous lesquelles les nouveaux seront engagées, on ne les connaît toujours pas.

La CEO de Proximus Dominique Leroy affirme qu' « il n'y a pas d'autre choix ». Est-ce le cas ?

Michaël Lembregts. Bien sûr qu'il y a un autre choix. Proximus fait toujours beaucoup de bénéfice. Certes pas autant que Telenet ou Mobistar, mais l'entreprise fait pas mal de profit. Mais voilà, quand l'entreprise accorde la priorité totale à la cote boursière et à la concurrence, on comprend mieux les raisons de sa décision. Or Proximus est toujours une entreprise publique, et elle devrait donc prendre en compte d'autres priorités. Mais avec la nouvelle CEO, nous sommes désormais dans un tout autre paysage. Selon elle, il faudrait économiser 240 millions. Même si ce n'est pas le cas. Cela fait quinze ans que je travaille chez Proximus, et pendant toutes ces années, pas une seule fois je n'ai entendu que l'entreprise faisait des pertes. Pourquoi alors faudrait-il économiser ?

Cette décision vous a-telle surpris ?

Michaël Lembregts. Pour les travailleurs, c'est un coup de tonnerre dans un ciel serein. Mes collègues des syndicats voient des gens indignés et même parfois en larmes. Dans différents endroits, le personnel a brièvement arrêté le travail. Pour beaucoup, c'est la stupéfaction. Certes, des réformes étaient en cours, mais personne n'avait eu vent de ceci.

De quelles réformes s'agit-il ?

Michaël Lembregts. Quelques exemples. J'ai commencé comme installateur, pour aller installer la télévision, internet et le téléphone chez les clients. Dans le temps, les installateurs avaient peut-être trois installations par jour. Parfois cela peut aller vite, mais parfois, en cas de problème, cela peut prendre beaucoup de temps. Aujourd'hui, les installateurs doivent faire cinq installations par jour.

Les techniciens sont aussi suivis par monitoring. À 8 heures, ils doivent être chez le premier client. Ils sont constamment suivis via leur ordinateur portable. Pour l'instant, ce système de monitoring n'est pas encore utilisé dans les évaluations du personnel, mais ce n'est qu'une question de temps avant que cela soit le cas.

Dans tous les services, j'entends que la pression est de plus en plus grande et que l'on serre la vis de plus en plus. Et les gens sont de plus en plus surveillés. Tout tourne autour du temps et des chiffres.

Si on en croit la CEO, Proximus aurait trop de personnel.

Michaël Lembregts. Dominique Leroy affirme qu'il y a pas mal de gens qui se tournent régulièrement les pouces, mais c'est tout à fait faux. Cette époque-là est depuis longtemps révolue. Même au cas où on arrive à finir sa tâche journalière un peu plus vite que prévu, il y a toujours du travail supplémentaire qui doit être rattrapé. Ce n'est donc absolument pas vrai qu'il y a trop de personnel chez Proximus. Il y a maintenant longtemps, les gens avaient encore le temps de prendre parfois une pause café, mais ce n'est plus du tout le cas. La charge de travail est maintenant bien trop grande. Les gens sont épuisés, il y a des burn-out. C'est comme dans une entreprise privée où la pression est très forte.

Des représentants des différents partis au gouvernement siègent dans le conseil d'administration de Proximus. Quel rôle jouent-ils ici ?

Michaël Lembregts. Tout ce qui se passe entre entièrement dans la vision et la politique du gouvernement. L'ancien CEO avait aussi imposé plusieurs réformes, mais l'entreprise était quand même encore considérée comme un important fournisseur d'emplois. Ce qui n'est plus du tout le cas. Maintenant, c'est la liquidation totale. Tout a changé avec l'arrivée de Dominique Leroy. Les réformes qui ont été décidées étaient déjà très lourdes et cela faisait un bon moment qu'on sentait que le coup de grâce allait venir tôt ou tard.

Au sein du gouvernement, il y a des voix qui plaident pour la prépension et d'autres voix qui sont contre. Qu'en pensez-vous ?

Michaël Lembregts. Le gouvernement voudrait démanteler ce système. Mais si, malgré cela, des travailleurs pouvaient quand même avoir droit à la prépension, je ne serais certainement pas contre. Je crois que beaucoup de gens accepteraient cela à bras ouverts. Les conditions de travail agréables dans l'entreprise, comme nous les avons connues il y a longtemps, ont totalement disparu. Dominique Leroy a aussi dit qu'il y aurait des conditions pour les départs volontaires. Si cela s'assortit d'une prime de départ convenable, je pense qu'il y aura aussi des gens qui préfèreront cette option. C'est tout à fait compréhensible que des personnes qui sont épuisées acceptent cela.