Palestine : la chasse aux organisations de défense des droits humains par l'État israélien

Le vendredi 22 octobre, Israël a qualifié six organisations palestiniennes d’organisations terroristes. Le milieu associatif palestinien subit depuis des décennies le harcèlement et les campagnes de diffamation israéliens, mais ici, cela va encore beaucoup plus loin.

Quoi de neuf ?

« Il y a une réelle différence par rapport au passé, explique Ubai Aboudi, directeur de l'une des six organisations concernées. Selon Israël, Bisan, notre organisation, est désormais une organisation terroriste. Cela signifie que l'État israélien est autorisé à effectuer des pratiques de contre-terrorisme : écoutes téléphoniques, déploiement d'unités spéciales, gel des comptes bancaires, arrestation du personnel... Avec cet arsenal, il peut nous rendre la vie impossible. »

En juillet 2021, pour la première fois depuis la création de Bisan au milieu des années 1980, des soldats israéliens ont fait une descente dans les bureaux de l'organisation. « C'est de pire en pire, poursuit Aboudi. D'abord les attaques sur Gaza, puis l'arrestation de défenseurs des droits humains ; ensuite, ils vandalisent nos bureaux et ceux d'autres organisations de défense des droits humains. Et maintenant, nous voilà sur la liste des terroristes. Quel pays au monde ose inscrire sans sourciller des organisations de la société civile sur une liste de terroristes ? Je n'en connais qu'un seul. Israël peut et ose faire cela, parce qu’il est obsédé par le pouvoir. »

« Savez-vous que vous êtes en train de risquer trois ans d'emprisonnement en me parlant ? », plaisante Aboudi. Si Israël applique ses propres lois sur le terrorisme, il doit arrêter les diplomates européens avec qui je parle aujourd'hui... »

Une pression internationale

Pas moins de 17 experts des droits humains de l'ONU parlent d'un flagrant « abus de politique antiterroriste et de sécurité » par Israël. « Ces organisations de défense des droits humains sont les canaris dans la mine de charbon des droits humains », résume poétiquement la déclaration des Nations unies.

La Belgique et l'Union européenne restent silencieuses. « Il y a des discussions en cours et il y aura une déclaration européenne », a assuré une source diplomatique. Mais la lenteur de l'action en dit long. La Belgique n'a pas encore réagi non plus (au moment de la rédaction de ce texte, le 26 octobre, la ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, n'avait pas répondu). Il existe pourtant de bonnes relations entre plusieurs des organisations palestiniennes visées et notre pays. Par exemple, Bisan est une organisation partenaire de l'ONG Viva Salud. La directrice d'un autre partenaire de Viva Salud a été arrêtée en juillet et est toujours en prison.

Une campagne de définancement

La qualification d'organisation terroriste fait partie d'une longue campagne israélienne visant à paralyser l'aide financière internationale aux organisations palestiniennes. Ces dernières années et derniers mois, des groupes de lobbying pro-israéliens ont ciblé les donateurs européens. Les campagnes de diffamation étaient basées sur un seul message central : l'argent des donateurs européens finance des activités terroristes. Viva Salud a également fait l'objet de critiques.

Le Gouvernement belge a lancé une enquête quant au fondement de la plainte d'Israël et sur le présumé « soutien aux activités terroristes » par Viva Salud. Après l'enquête, la ministre de la Coopération au développement Meryame Kitir (Vooruit) a conclu que l'allégation concernant les prétendues « subventions au terrorisme » ne pouvait être étayée, et a exprimé sa pleine confiance en Viva Salud.

« Si vous vous retrouvez sur une liste de terroristes, cela a un impact sur votre collecte de fonds, déclare M. Aboudi. La recherche de subventions internationales deviendra évidemment encore plus difficile. » En coupant l'aide financière européenne, Israël espère affaiblir les organisations de la société civile palestinienne.

Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, ne se montre pas impressionné. « Nous allons poursuivre et renforcer notre lutte contre le terrorisme par tous les moyens possibles », a-t-il déclaré le 25 octobre. Pour Aboudi, l'avenir est incertain. « Nous suivons cela de près. Israël va-t-il donner suite à l'indignation internationale, ou va-t-il persister ? Toute solidarité et tout soutien international sont les bienvenus. Cela nous renforce de savoir qu'une grande partie de la communauté internationale est derrière les droits humains palestiniens. Nous appelons donc les amis européens de la Palestine à ne pas se laisser intimider. »

Israël viole régulièrement le droit international et les droits fondamentaux des Palestiniens, et il a carte blanche pour le faire parce que les États-Unis et l'Europe le couvrent. La Belgique a toujours condamné en paroles les violations israéliennes du droit international, mais il est grand temps qu'elle passe à l'action en prenant des mesures concrètes pour sanctionner la politique de colonisation israélienne.

En mai de cette année, lorsque l'armée israélienne a bombardé pour la énième fois les civils de Gaza, le PTB a déposé une résolution définissant une vraie politique de sanctions :

1. Prendre des sanctions ciblées contre les responsables politiques et militaires israéliens impliqués dans les bombardements et la répression de mai 2021 ;
2. Mettre en place immédiatement des sanctions économiques à l’encontre de l’État d’Israël, en commençant par interdire l’importation et la commercialisation des produits issus des colonies sur le territoire belge ;
3. Reconnaître l'État de Palestine et élever la représentation palestinienne à Bruxelles au rang d'ambassade ;
4. Suspendre immédiatement tous les projets de coopération culturelle, universitaire, sportive, militaire, économique et diplomatique avec l'État d'Israël et avec toutes les institutions israéliennes.

Le vote sur cette résolution est aujourd'hui devant le Parlement. Les différents groupes politiques auront-ils le courage politique de faire un vrai choix pour la Palestine, ou resteront-ils cantonnés dans une rhétorique vide, qui n'améliore en rien la situation des Palestiniens sur le terrain ?