




Le monde politique sortira d’ici peu de sa pause estivale et, entre les élections et la lutte sociale, le PTB a du pain sur la planche. Peter Mertens, président du PTB : « Nous comptons bien concilier les deux et établir clairement un rapport de forces sur les deux terrains. »
Peter Mertens. À relativement long terme, j’en vois deux : d’une part, le coup d’envoi de la campagne pour les élections fédérales de 2019 et, d’autre part, les inégalités et des contradictions sociales toujours plus fortes.
La N-VA tente d’isoler le combat politique de cette polarisation sociale. Elle voudrait exclure des débats électoraux la pénibilité du travail, la pauvreté croissante, le « jobs-deal » de l’été, ou encore l’organisation de la société sur un modèle Ryanair. Le thème central des élections sera naturellement une question clé, et la N-VA fera tout pour braquer l’attention sur l’identitaire et les réfugiés. Nous devons recentrer les débats sur les pensions, les emplois précaires, ainsi que sur les décisions prises cet été.
Le PTB entend bien concilier les élections et la lutte sociale et établir clairement un rapport de forces sur les deux terrains.
Le mouvement social a déjà réussi à bloquer la pension à points. Le gouvernement a décidé de reporter cette question jusqu’à après les élections. Mais, cet été, alors que la plupart des gens étaient en vacances, il a entre autres décidé de supprimer les crédits-temps de fins de carrière pour les travailleurs de moins de 60 ans. En clair, il veut faire travailler tout le monde à temps plein jusqu’à 60 ans. L’idée même de « travail faisable » est oubliée. Par contre, les allocations de chômage, elles, seront bien limitées dans le temps, et les fonctionnaires malades seront contraints de continuer à travailler.
Face à toutes ces mesures, le mécontentement gronde. Dans ce contexte, les syndicats appellent à des actions régionales le 2 octobre et nous les soutenons pleinement.
À la SNCB, chez Ivago, Ryanair, Lidl… Ce qui m’a frappé, c’est le fait qu’un mot revenait à chaque fois : le respect
Peter Mertens. Ce qui m’a frappé, c’est le fait qu’un mot revenait à chaque fois : le respect. Par exemple pour les éboueurs d’Ivago, à Gand. Ces gens accomplissent un travail difficile, sale, ils se lèvent tôt et sont mal rémunérés. Et que demandent-ils avant tout ? Du respect. Du respect pour le fait qu’ils assurent l’hygiène dans la ville, la rendent saine et vivable. Au lieu de cela, ils encaissent provocation sur provocation. Pendant la vague de chaleur, ils n’avaient même pas droit à une pause pour se désaltérer.
Les travailleurs de la SNCB et de la Stib n’avaient pas le droit d’aller travailler en bermuda. Ordre de leur hiérarchie installée bien au frais dans ses bureaux climatisés…
Rappelons aussi la grève d’ampleur européenne chez Ryanair, dont les salariés doivent se payer une bouteille d’eau s’ils ont soif, outre le fait qu’ils ne perçoivent, grâce à un montage irlandais, qu’un salaire de misère. Et rien du tout pour les heures supplémentaires. Ces pratiques portent un nom : du dumping social. Et si le personnel ose protester, il est puni ou mis sous pression.
Tous ces mouvements ont aussi en commun le fait que les employeurs veulent réduire leurs coûts. Pour augmenter leurs bénéfices, pomper toujours plus de profit de chaque heure de travail. Le management ultra-agressif à la O’Leary, le PDG de Ryanair, est le modèle de demain. C’est ce à quoi aspirent les patrons, les grosses fortunes, la N-VA et les autres partis du gouvernement : des jobs hyperflexibles, des salaires misérables, et la fin des syndicats.
En mai déjà, les travailleurs de Lidl avaient débrayé. Ces mouvements ne sont que la partie immergée d’un iceberg, du malaise que ressentent tous les travailleurs, partout. Les mouvements de grève de cet été sont partis des gens eux-mêmes. Dans des entreprises comme Ryanair, Deliveroo ou Lidl, les syndicats étaient, encore récemment, pratiquement inexistants. Les travailleurs leur demandent maintenant de les aider à s’organiser.
Les gens ne sont plus que des rouages du système. Tout ce qu’on leur demande, c’est d’obéir et de travailler lorsqu’on leur ordonne de le faire
Cela souligne, une fois encore, à quel point il est important de se battre contre l’érosion des droits syndicaux. Le gouvernement cherche à museler tous ceux qui donnent encore une voix aux travailleurs. À Anvers, le syndicaliste Bruno Verlaekt a été condamné pour avoir organisé un piquet de grève. La défense des droits syndicaux fait donc partie intégrante du combat pour l’amélioration des conditions de travail.
Peter Mertens. Pour nous, il ne s’agit pas tant d’un « jobs-deal » que d’un « pauvreté-deal ». Pourquoi ? Le ministre de l’Emploi Kris Peeters explique lui-même que l’accord vise à mettre plus de monde sur le marché de l’emploi afin d’accroître la concurrence entre les travailleurs. C’est le souhait qu’avait émis l’organisation patronale FEB en mai déjà.
Les patrons veulent mettre l’ensemble des travailleurs sous pression, et nos dirigeants créent donc les conditions pour pousser sur le marché de l’emploi les gens qui n’y sont pas ou plus.
D’où la chasse aux malades de longue durée. Ils seront « activés » afin de réintégrer le circuit professionnel rapidement, même s’ils ne sont pas tout à fait guéris.
La suppression des crédits-temps de fin de carrière pour les travailleurs de moins de 60 ans vise le même but. Ces travailleurs souhaitent avoir un horaire adapté, par exemple à mi-temps ou à quatre-cinquième. Ces aménagements de fin de carrière sont actuellement accessibles aux travailleurs dès l’âge de 55 ans, et 77 000 d’entre eux âgés de 55 à 60 ans en bénéficient. Le gouvernement supprime ces mesures. Et il compte aussi repousser la prépension au-delà de l’âge de 60 ans, accentuant une fois encore la pression sur les salariés.
Les malades de longue durée seront « activés » afin de réintégrer le circuit professionnel rapidement, même s’ils ne sont pas tout à fait guéris
Enfin, le gouvernement poursuit sa chasse aux chômeurs, que les mesures adoptées conduiront beaucoup plus vite sous le seuil de pauvreté, les forçant ainsi à accepter n’importe quel emploi.
Peter Mertens. Exactement. Le gouvernement veut que les entreprises puissent dire aux travailleurs : « Si vous refusez cet emploi parce que le salaire est trop bas, nous le donnerons à quelqu’un d’autre. Les candidats sont nombreux. »
Nous nous dirigeons donc vers la situation que je décrivais il y a sept ans dans mon livre « Comment osent-ils ? », au chapitre relatif au modèle allemand de généralisation des mini-jobs. Les gens acceptent des emplois à n’importe quelle condition de peur de sombrer dans la pauvreté s’ils sont au chômage.
C’est aussi la raison pour laquelle le gouvernement veut empêcher les négociations collectives ou sur la base de facteurs objectifs tels que l’ancienneté ou l’expérience pour augmenter les salaires. La rémunération dépend de plus en plus des prestations, ce qui signifie que chaque travailleur doit négocier seul son salaire.
Pour couronner le tout, ces mesures ont été adoptées par des politiciens qui gagnent 5 000, 6 000, voire 10 000 euros par mois. C’est un scandale absolu et les gens en ont plus qu’assez !
Peter Mertens. Je le pense aussi. Notre monde commence à ressembler à celui des Temps Modernes de Charlie Chaplin. Les gens ne sont plus que des rouages du système, ils n’ont plus voix au chapitre. Tout ce qu’on leur demande, c’est d’obéir et de travailler lorsqu’on leur ordonne de le faire. Et s’ils veulent souffler un moment, on le leur interdit aussi.
L’opposition contre le gouvernement gronde de tous côtés. Cela doit nous encourager : nous pouvons l’arrêter !
De l’autre côté, on a affaire à des bandits professionnels en col blanc qui expédient chaque année des milliards vers les paradis fiscaux, sans que le gouvernement ne sourcille. Les gens sentent bien que quelque chose cloche dans tout ça. Et les élections sont une occasion d’exprimer son mécontentement aux partis au pouvoir.
Par crainte de la résistance, le gouvernement a déjà repoussé différents dossiers au-delà des élections communales : une partie du jobs- deal, le dossier des métiers pénibles, celui de la pension à points. Il ne faut pas sous-estimer ce que la résistance sociale a déjà permis.
Du coup, le gouvernement réagit maintenant façon Trump. Il tire à boulets rouges sur quiconque ose faire entendre une autre voix. Sur les syndicats, les mutuelles, les magistrats, les ONG, et même sur les experts qu’il a lui-même mandatés, quand leurs conclusions ne vont pas dans son sens. Comme le comité de monitoring, qui a jugé les calculs budgétaires du gouvernement trop optimistes. L’opposition contre le gouvernement gronde de tous côtés. Cela doit nous encourager et nous convaincre que nous pouvons l’arrêter.
Peter Mertens. Dans tous les domaines, on voit des gens se réveiller, se dresser contre les politiques de ce gouvernement, se battre pour améliorer les conditions de travail, contre la généralisation des emplois précaires, pour des mesures sérieuses contre le changement climatique, contre les restrictions des droits syndicaux…
Il y a aussi la lutte contre le traitement inhumain réservé aux réfugiés. Le gouvernement tente d’ébranler la lutte sociale avec sa politique très dure vis-à-vis des réfugiés. Il suit une stratégie du « diviser pour régner » en écrasant ceux qui sont aux bas de l’échelle sociale. La lutte pour un accueil humain des réfugiés n’est donc pas une lutte à part. Il s’agit d’une même vision de la société. Quelle est la valeur d’un être humain ? Que vaut la société elle-même ?
Les différents mouvements de contestation ne se sont pas encore trouvés. Certains pensent même se marcher sur les pieds, croient que la lutte pour un travail décent s’oppose à la solidarité avec les réfugiés, par exemple. Mais la première chose à faire, c’est rassembler tous ces mouvements car nous avons un même adversaire.
Peter Mertens. C’est un rendez-vous très important pour nous. Au cours des semaines et des mois à venir, beaucoup de gens se consacreront aux élections communales et c’est une bonne chose. Nous devons toutefois garder aussi une perspective plus large. Pour changer le monde, nous devons dépasser les limites de notre ville ou de notre commune. ManiFiesta, c’est cela aussi. On y parle autant des réfugiés et de la Palestine que de la culture, des droits syndicaux, de l’enseignement, des soins de santé ou des conditions de travail. ManiFiesta est le lieu où, physiquement, tous les mouvements se retrouvent et cela peut aussi être un tremplin pour redynamiser la lutte.
Nous devons constituer un front qui affirme haut et fort : « Nous ne voulons pas d’une société à la Theo Francken, ni de sa vision de la guerre, des réfugiés, du marché du travail ! »
Nous devons constituer un front qui affirme haut et fort : « Nous ne voulons pas d’une société à la Theo Francken, ni de sa vision de la guerre, des réfugiés, du marché du travail. » Theo Francken est notre Donald Trump à nous, cela ne fait aucun doute. Le gouvernement belge est un gouvernement « trumpien ». Et le combat que nous menons sera de longue haleine.
Peter Mertens. Nous avons commencé à nous préparer en 2014 déjà. Un bon timing, non? (rire) En 2014, nous avons en effet pris conscience de deux choses.
La première, c’est que nous avions deux élus au Parlement fédéral, et que tous les deux ont une tout autre manière de faire de la politique. Certains pensaient que le PTB allait devenir un parti comme les autres. Or, s’il y a bien une chose qu’on ne peut pas reprocher à Raoul Hedebouw et Marco Van Hees, c’est bien de faire comme tous les autres.
Avec l’arrivée de ces deux élus PTB, non seulement le style, mais aussi les sujets débattus au Parlement fédéral ont changé. Les gens se reconnaissent dans ce qui est dit. Les vidéos de nos interventions comptent souvent des centaines de milliers de vues sur le net.
Le second constat, c’est qu’en Flandre, nous n’avions pas d’élu, or nous avons absolument besoin de représentants flamands au Parlement. Nous avons également essayé de comprendre pourquoi nous avions échoué. Une chose était certaine, c’est que ce n’était pas à Anvers que se situait le problème. Nous y avions en effet obtenu un score de 10 %, ce qui n’est pas rien lorsqu’on sait qu’il s’agit du fief de Bart De Wever, le bastion de « l’alt-right flamande ». Non, le problème se situait dans le reste de la province d’Anvers.
Cela fait donc quatre ans que nous travaillons à y construire des sections. Ce qui nous intéresse ce n’est pas seulement d’être un porte-voix au conseil communal, c’est aussi de vraiment changer les choses. Nous voulons par exemple que les gens aient les moyens d’aller à la piscine en cas de canicule. Nous avons d’ailleurs récemment mené une action à Malines en organisant une baignade dans le canal, et une autre à Bruxelles, contre la fermeture du parc aquatique Océade. Lorsqu’on ferme une bibliothèque, nous passons à l’action. Lorsqu’une ligne de bus est supprimée à proximité d’un centre de soins, nous mobilisons les gens pour sauver cette ligne. C’est ainsi que nos sections locales se développent. Et je pense que c’est cela qui rend les autres partis anxieux, car eux aussi savent très bien que travailler sous le radar porte ses fruits.
Peter Mertens. En 2014, nous avons en effet décidé de nous ancrer non seulement dans les entreprises, mais aussi dans les villes principales. Le PTB était alors surtout implanté dans les métropoles de Liège, Bruxelles et Anvers. À présent nous devons l’être également dans les autres grandes villes. Et, pour y arriver, se contenter d’être présent durant la campagne électorale ne suffit pas. Ce qu’il faut, c’est un réel travail de fond, et le travail de fond cela fait partie de l’ADN de notre parti.
Une ville est-elle avant tout un espace public où les gens vivent et travaillent ensemble ou une sorte de pôle commercial attractif soumis aux règles du city-marketing ? Ce sont deux visions qui s’affrontent
Dans toutes ces villes, nous avons été à l’écoute de ce que les gens ont à dire et nous nous intéressons à leurs préoccupations. C’est notre manière de travailler. Nous avons élaboré un programme progressiste avec les gens.
Les problèmes qui se posent dans toutes les villes tournent autour de la même question : quel est le rôle de la ville ? Quel est le rôle de l’espace public ? Quelle est la fonction publique d’une ville ? Une ville est-elle avant tout un espace public où les gens vivent et travaillent ensemble ou une sorte de pôle commercial attractif soumis aux règles du city-marketing ? Ce sont là deux visions opposées et conflictuelles. Pour notre part, c’est avec une énorme fierté qu’aussi bien en Wallonie qu’en Flandre et à Bruxelles, nous défendons une autre vision de la ville, celle du droit à la ville, celle de la ville en tant qu’espace commun.
Peter Mertens. On pourra dire que notre campagne électorale est réussie si, en 2018, nous perçons dans des villes comme Gand, Hasselt, Louvain, Namur, Bruxelles-ville, Liège et Charleroi – pour ces deux dernières, il s’agit d’améliorer notre score puisque nous y avons déjà des élus – et si nous perçons également dans les principales villes de la province d’Anvers. Si nous y parvenons, et il y a de grandes chances pour que ce soit le cas, nous serons sur la bonne voie pour décrocher en 2019 un élu côté flamand également et pour progresser et grandir en Wallonie et à Bruxelles.
Peter Mertens. Absolument. C’est une nécessité. Pas parce que nous pensons qu’avec six ou sept élus au Parlement fédéral nous allons pouvoir changer toute la société, mais parce que nous sommes fermement convaincus que les travailleurs, les malades de longue durée, les demandeurs d’emploi, les pensionnés, les réfugiés ont plus que jamais besoin de porte-paroles au Parlement. Nous voulons être la voix de ceux à qui, cet été, alors qu’ils étaient en vacances, le gouvernement s’en est pris, notamment en supprimant leur crédit-temps. Nous voulons être la voix de ceux qui sont en colère parce qu’au 21ème siècle, la Belgique, un pays pourtant civilisé, ne respecte toujours pas les droits de l’homme et détient des enfants dans des centres fermés.
Quant à la politique des profiteurs, rien n’a changé, malheureusement ! La plupart des parlementaires peuvent toujours prendre leur retraite à 55 ans avec une pension de 4 000 euros nets, tandis que les gens sont obligés de travailler jusqu’à leur 67 ans pour une pension de misère. Sans oublier les cumuls de mandats, dont le champion reste l’échevin N-VA, Koen Kennis, avec 18 mandats rémunérés !
Le poids du PTB à Anvers sera déterminant pour opérer un tournant à gauche
Ceux qui veulent une autre politique ont besoin de renfort, et nous serons leur porte-voix en 2019.
Je rappelle aussi que nous sommes le seul parti national du pays. On peut dire que, depuis 40 ans déjà, le PTB, c’est les Diables Rouges de la politique. Et, là aussi, nous avons besoin de renforcer notre groupe au niveau fédéral. Certains veulent faire croire que Raoul Hedebouw ne représente que les travailleurs wallons. Mais c’est n’importe quoi ! Il suffit de le voir à l’œuvre pour se rendre compte qu’il défend avec autant de motivation et d’enthousiasme les éboueurs de la ville de Gand que la lutte pour le maintien de la gratuité des garderies d’enfants à Charleroi. Rassembler dans un même groupe parlementaire des élus des trois régions sera un puissant signal d’unité, un véritable coup de fouet pour l’unité des travailleurs de ce pays.
Ceux qui veulent une autre politique ont besoin de renfort, et nous serons leur porte-voix en 2019
Peter Mertens. Comme le dit De Wever, l’enjeu pour lui, c’est de maintenir son bastion et laboratoire, et d’éviter qu’ils ne s’effondrent. La première fois que la N-VA a pris le pouvoir avec son arrogance dans une grande ville, c’était à Anvers. Ensuite sont venus le gouvernement flamand et le gouvernement fédéral.
Si son premier bastion – le cœur industriel du pays – s’effondre suite à la percée de la gauche, dont le PTB, il y a de fortes chances pour qu’au niveau flamand et fédéral, cela éclate également six mois plus tard.
Est-ce que ça va marcher ? Nul ne peut encore le dire. Impossible de savoir si à Anvers la balance finira par pencher à gauche ou à droite. Il y a toutefois une chose dont on est certain, c’est que le poids du PTB sera déterminant là-dedans. Si, en octobre prochain, le PTB obtient un bon score, le prestige de l’empereur risque d’en prendre un sacré coup. C’est très important. Et si cela s’accompagne d’une forte lutte sociale, on se retrouvera alors à un tournant décisif, avec de réelles possibilités de changement.
Peter Mertens. Effectivement, la rumeur circule qu’en raison de la forte progression du PTB en Wallonie, PS et MR pourraient former une coalition. Et à dire vrai, cela ne m’étonnerait pas. Il ne faut pas oublier que le PS et le MR ont déjà gouverné ensemble de 2009 à 2014 et qu’à l’époque déjà, ils ont voté la chasse aux chômeurs. Et dans divers autres domaines, leur politique d’alors n’était pas très différente de celle du gouvernement actuel. Il suffit de songer à la réforme des pensions, aux mesures en matière de fin de carrière, aux privatisations…
Nous devons reconquérir la ville des promoteurs immobiliers, des politiciens qui s’arrangent en coulisses, et des semeurs de haine et de division
Ces coalitions existent déjà à Bruxelles-ville et à Charleroi, où PS et MR travaillent en étroite collaboration sans problème, puisque tous deux défendent la même vision néolibérale de la ville. L’affaire Publifin a démontré à quel point l’imbrication entre le monde politique et le monde financier était complexe. Et là, tous les partis traditionnels sont logés à la même enseigne. Ils fréquentent tous le même salon de l’immobilier à Cannes pour solliciter et attirer dans leur ville les mêmes sociétés de construction.
Le PTB défend une tout autre vision de la ville, une vision qui s’interroge sur le rôle du développement urbain au 21e siècle, sur la place laissée aux espaces verts, aux transports publics, à la participation citoyenne ou encore la prise de mesures radicales pour réduire les salaires des administrateurs.
Dans notre programme, nous nous inspirons de la bourgmestre de Barcelone, Ada Colau, qui, dès son entrée en fonction, a réduit son salaire de manière drastique, le faisant passer de 8 000 à 2 000 euros. Ce n’est pas tout, une fois par semaine, elle se rend, avec tous ses échevins, dans les quartiers. Le but c’est d’être à l’écoute des citoyens, comme nous l’avons fait nous aussi à Borgerhout en allant à la rencontre des jeunes et des gens sur les places. C’est là un tout nouveau genre de proposition. Nous voulons devenir le moteur d’un tournant à gauche. Notre pays en a besoin, et c’est un rôle qui peut être assumé par le PTB. Pour faire pencher la politique à gauche, on n’a pas besoin du PS, comme il aime à le répéter, mais du PTB.
Peter Mertens. D’abord, il faut reprendre la ville des mains des grands promoteurs immobiliers qui imposent leur vision de la ville, et notamment la construction d’appartements allant de 350 000 à 800 000 euros. Ce n’est pas notre conception du logement abordable.
Ensuite, d’un point de vue démocratique, il faut la reprendre des mains des politiciens spécialistes des arrangements en coulisses. Aujourd’hui, les décisions sont prises dans des restaurants chics comme « ’t Fornuis » à Anvers, dans les loges d’un club de football ou dans l’espace VIP d’un hippodrome, sans aucune possibilité de contrôle démocratique. Nous estimons qu’au 21° siècle, la transparence est primordiale en politique, tout autant que la participation citoyenne.
Enfin, il faut reprendre la ville des mains de ceux qui sèment la haine et la division. Dans les villes où la N-VA mène la danse, comme à Alost ou Anvers, le discours contre les réfugiés et les chômeurs est permanent. Par définition, la ville est un lieu où les gens vivent et travaillent ensemble. Et donc la division n’y a pas sa place.
Et, si nous utilisons le terme « reconquérir » plutôt que « demander », c’est parce que cela fait plus de 10 ans que d’innombrables initiatives citoyennes le demandent poliment. Mais, plus on demande, plus on nous prend. Nous n’avons donc d’autre choix que la reconquête.
Peter Mertens. Nos moyens sont limités, il nous faut donc faire preuve d’originalité pour attirer l’attention. Ces traits rouges rebelles symbolisent notre combativité. Le premier trait est un halte-là aux monopoles immobiliers et à la froideur du monde politique. Le second fait référence à l’alternative que nous proposons : une ville chaleureuse, une ville à dimension humaine. Notre campagne d’affichage, nous la voulons donc à la fois offensive et dynamique.
Peter Mertens. C’est exact. Certains partis veulent mener une campagne à l’américaine. Aux États-Unis, cela fait longtemps que les grosses fortunes décident de tout. À Anvers, les panneaux d’affichage publics ont été supprimés. Auparavant, qu’ils soient grands ou petits, tous les partis avaient droit au même espace publicitaire. Aujourd’hui, les panneaux d’affichage publics ont disparu. On se retrouve avec un système où ceux qui ont les moyens de se payer une campagne sont favorisés.
Mais, si les autres partis ont l’argent, nous, nous avons les gens. Le nombre des personnes qui ont accepté de mettre une affiche du PTB à leur fenêtre est énorme. C’est là la meilleure riposte pour contrer ce système de campagne électorale à l’américaine. Et c’est ainsi dans toutes les villes. Beaucoup de gens nous réclament des affiches de Tom De Meester à Gand, de Line De Witte à Louvain, de Sophie Lecron à Liège, de Sofie Merckx à Charleroi, de Mathilde El Bakri à Bruxelles-ville...
Peter Mertens. Nous voulons encourager les gens qui habitent dans ces communes à voter PTB, souvent pour la première fois, et permettre au PTB d’entrer dans l’opposition. On pourra ainsi secouer le statu quo en matière sociale. Là aussi, nous demandons aux gens de nous aider en mettant une affiche à leur fenêtre. Nous lançons donc un message à tous les lecteurs du Solidaire et les invitons à se procurer une affiche à mettre à leur fenêtre. Et à ceux qui habitent une commune où le PTB n’a pas de liste, qu’ils ne s’inquiètent pas : nous serons candidats presque partout au conseil provincial, et ils peuvent par conséquent quand même voter pour nous et se procurer une affiche du parti.
Réagir à cet article ? Envoyez un mail à redaction@solidaire.org.