Après les applaudissements, le respect | Aux Pays-Bas, un mouvement large pour une hausse des pensions et des salaires

Les Pays-Bas sont connus pour leur culture de la négociation et du compromis, du consensus entre patronat et gouvernement d’un côté, et travailleurs et syndicats de l’autre. C'est ce qu’on appelle le « modèle des polders ». C'est l'image qu'on se fait de nos voisins du Nord. Elle ne correspond plus à la réalité aujourd’hui.

En 2019, la pire crise économique jamais traversée aux Pays-Bas semblait toucher à sa fin. Mais le gouvernement a continué à faire des coupes, et le secteur privé a continué à réduire ses effectifs. Cette situation a provoqué de larges mouvements de grève dans l'enseignement, dans les soins de santé et dans l'industrie, comme dans la grande entreprise sidérurgique Tata Steel.

L'interview continue en-dessous de la vidéo.

Nous sommes en mars 2021, en pleine crise du coronavirus. Des revendications salariales résonnent dans l'ensemble des Pays-Bas. Nous avons rencontré deux responsables de la Federatie Nederlandse Vakbeweging, la Confédération syndicale des Pays-Bas.

Erna Bosschart est porte-parole de la FNV. « Dans de nombreux secteurs, les syndicats réclament des augmentations salariales, explique-t-elle. Mais il y a souvent d'autres revendications ou demandes, comme de meilleures pensions, une augmentation du salaire minimum ou moins de flexibilité. »

Peter Reniers est permanent à la FNV pour le secteur de la métallurgie à Eindhoven. Dans ce secteur, les négociations de la convention collective de travail (CCT) ont lieu tous les deux ans. « C’est déjà la quatrième fois d'affilée que nous avons dû mener des mois d'actions pour obtenir une avancée dans les négociations, dit-il. Le secteur de la métallurgie se porte bien dans cette région, et pourtant les employeurs adoptent une ligne dure. Nous réclamons 5 % d’augmentation de salaire. Mais nous voulons aussi que les jeunes ne doivent pas se contenter de salaires de misère. »

Comment les employeurs réagissent-ils ?

Erna Bosschart. Il y a surtout beaucoup d'hypocrisie. Dans le secteur de la blanchisserie, par exemple, les sociétés travaillent tant pour des chaînes hôtelières que pour les hôpitaux. Sans surprise, celles qui travaillent exclusivement pour l'industrie hôtelière sont aujourd'hui en difficulté. En revanche, le travail pour les hôpitaux, lui a fortement augmenté. Les CCT du secteur de la blanchisserie s'appliquent évidemment aux deux secteurs, mais les entreprises qui travaillent pour le secteur des soins se cachent derrière le malaise du secteur de l'hôtellerie.

Dans le secteur de la métallurgie, des grèves ont éclaté ces dernières semaines et ces derniers mois. Y en a-t-il eu dans d'autres secteurs ?

Erna Bosschart. Bien sûr. Dans le secteur du nettoyage, dans les supermarchés, dans la logistique et dans l'industrie. Nous devons évidemment adapter nos méthodes d'actions aux règles sanitaires. En temps normal, nous organisons de grands rassemblements avec des discours. Maintenant, c'est plus difficile. Mais il y a des rassemblements en voiture sur des parkings. Et nous organisons des actions alternatives : caravanes de voitures, pétitions et « grèves relais » (série de grèves courtes et consécutives au sein d'une entreprise ou d'un secteur, NdlR).

Est-ce que les gens ont encore envie de faire grève ?

Peter Reniers. Oui, beaucoup, et nous pensons qu'après la crise du coronavirus, le nombre de grèves augmentera encore considérablement. Dès qu'il fera 25 degrés, les gens voudront mener encore plus d'actions. On dirait bien que c’est parti pour durer. Car, visiblement, les employeurs n’ont pas encore subi suffisamment de perte.

Eindhoven est juste de l'autre côté de la frontière. Des milliers de Belges traversent chaque jour la frontière pour travailler dans des entreprises telles que DAF Trucks et VDL. Dans les entreprises où nous organisons une grève, presque tous les travailleurs belges y participent. On s'accorde alors avec la CSC et la FGTB, par exemple, sur les indemnités de grève.