




Nous devons adapter quotidiennement notre travail de généraliste face à cette pandémie car nous avons un rôle de santé publique important à jouer : limiter la propagation de la maladie, en collaboration avec la population et avec les autres acteurs de la santé. Récit de Aurélie Biggaré, médecin généraliste et responsable médicale de la maison médicale de Médecine pour le Peuple à Seraing.
Beaucoup de personnes présentent peu voire pas de symptômes de la maladie
Beaucoup de personnes présentent peu voire pas de symptômes de la maladie, d’autres sont plus fortement atteintes, et une minorité développe une détresse respiratoire sévère. Dans ce dernier cas, il n’y a pas de traitement spécifique, seulement une assistance respiratoire très lourde. Les personnes de plus de 70 ans et présentant des maladies chroniques sont les plus vulnérables. Actuellement, deux tiers des décès journaliers à cause du coronavirus ont lieu en maison de repos, en Belgique.
Nous devons « trier » les malades afin de ne pas saturer les capacités des hôpitaux, en particulier des soins intensifs. Différents collègues ont déjà très bien décrit cette réorganisation de notre travail de généraliste avec une majorité de consultations téléphoniques (mise en œuvre et bien appliquée sur le terrain grâce à la pression des généralistes), sur fond de manque généralisé de masques et autre matériel de protection élémentaire (et les conséquences qui en découlent). On travaille avec la nécessaire application de recommandations officielles de bonne pratique et la frustration entrainée par les limites de certaines de ces recommandations… En parallèle, en tant que soignants de première ligne, nous nous devons d’assurer le suivi de tous nos patients pour problèmes aigus, maladies chroniques, soutien psychologique, …. Les patients comptent sur nous.
J’ai décidé d’aborder plus particulièrement le cataclysme provoqué par le coronavirus dans les maisons de repos, car des situations de patients et de soignants en maison de repos m’ont particulièrement marquée. Ce que les patients résidents, leurs familles et le personnel soignant de maison de repos vivent est très lourd. Je souhaite par cet article tenter de partager un peu l’expérience de deux patientes et de soignants « au front » (que j’ai anonymisés) et ainsi relayer leurs sentiments, leur colère, les bonnes questions qu’ils posent… des témoignages qui me font réfléchir, voire changer ma vision sur mon travail.
J’espère être le plus fidèle possible à ce qu’ils vivent. Je les remercie pour leur courage, leur révolte, leur dévouement, leur humanité.
Je suis depuis une dizaine d’années Mme L., 82 ans, qui a été placée en maison de repos et de soins (MRS) pour une maladie neurologique dégénérative. Elle ne sait plus marcher, elle a besoin d’une grande aide pour manger et pour boire et a de plus en plus de difficultés pour parler (elle arrive à répondre par oui ou non mais depuis plusieurs mois, elle ne sait plus faire une phrase complète). Elle est lucide. Nous sommes toujours contentes de nous voir, lors de ma visite mensuelle. Elle partage son temps entre la chaise roulante et le lit. Son plaisir est de voir sa sœur, qui est sa seule famille proche, une fois par semaine.
Sa sœur, Mme J., âgée de plus de 70 ans, est ma patiente aussi. C’est une femme dévouée, entière, un peu « soupe au lait ». Elle est souvent énervée à cause du manque de personnel au home. Elle s’occupe seule de sa sœur et se sent tout le temps épuisée par la situation. Derrière ses coups de gueule, c’est une personne très sensible et très attentive au bien-être de sa sœur.
Les médecins coordinateurs s’occuperont du renouvellement de traitements chroniques. Nous approuvons cette demande : il faut protéger nos maisons de repos.
Le 9 mars, nous (médecins généralistes) recevons, de la part des médecins coordinateurs des maisons de repos de ma région, un mail qui nous relaie les mesures exceptionnelles pour protéger les résidents de l’épidémie de covid. Les entrées dans les homes seront limitées au personnel soignant, les familles ne peuvent plus entrer et, en tant que médecins généralistes potentiellement porteurs de microbes aussi, nous sommes invités à reporter nos visites non essentielles. Les médecins coordinateurs s’occuperont du renouvellement de traitements chroniques. Nous approuvons cette demande : il faut protéger nos maisons de repos.
Quelques jours plus tard, l’infirmière cheffe du service de Mme L. me téléphone pour me dire que ma patiente fait un peu de fièvre et a des selles liquides. Je prévois une analyse d’urines et de selles et prescris par téléphone un traitement symptomatique pour les infections urinaires auxquelles madame est sujette.
Quelques jours, tard, nous recevons de nouveau un mail des médecins coordinateurs pour nous informer qu’il y a malheureusement quelques cas de covid19 dans certaines MRS.
Nous recevons aussi des informations médicales officielles sur les symptômes du covid 19 chez les personnes âgées, ces symptômes peuvent être atypiques (symptômes digestifs sans plainte respiratoire). De plus, nous recevons aussi des protocoles avec des algorithmes d’aide à la décision clinique : si une personne en home dont l’état de fragilité est important (= dépendance totale pour la toilette, les repas, les transferts…) développe une détresse respiratoire liée au virus, une hospitalisation est inutile : il faut alors envisager un support en oxygène et des soins palliatifs. Il est bien spécifié que ces algorithmes doivent être complétés d’une démarche éthique, mais j’avoue que cela me fait froid dans le dos. En effet, beaucoup de personnes en MRS se retrouvent dans cette catégorie de personnes fragiles.
Vu la symptomatologie de Mme L, j’ai un contact téléphonique avec le médecin coordinateur de la maison de repos pour lui demander d’organiser le testing sur ma patiente. Nous échangeons un peu, je lui fais part du choc que j’ai eu quant aux algorithmes de prise en charge du covid des patients en MRS. Il me confie qu’il y a deux cas de soignants malades du covid19 pour lesquels il a organisé lui-même les tests. Il dénonce le manque de protections (masques, blouses) pour le personnel soignant quelques jours plus tôt au début de la crise. Il déplore également le manque de possibilités de testing. Lucide, il craint la catastrophe annoncée et dit que les responsables devront assumer pour ça.
Quelques jours plus tard, le résultat pour Mme L. tombe : elle a le covid19. Ses symptômes digestifs sont sous contrôle, mais elle présente toujours un peu de fièvre. Son état général est stable.
- C’est l’infirmière-cheffe qui l’a informée du diagnostic. Et elle lui a demandé si elle souhaitait ou pas qu’on hospitalise sa sœur si son état se dégradait. « Dr Bigaré, que feriez-vous ? »
Je sonde d’abord la patiente pour savoir ce qu’elle a répondu avant de lui donner mon opinion. Nous sommes d’accord, il vaudrait mieux éviter une hospitalisation, vu l’état général de Mme L. Je tente dans la conversation d’être réaliste : actuellement son état est stable, mais on reste très vigilant, on suit la situation de près.
- « Il n’y pas de traitement ? » Non
- « Pourquoi ne lui donne -t-on pas de chloroquine ? J’ai vu une émission française qui montre les effets très positifs de ce traitement. »
Je ne sais pas exactement, il me semble que c’est un traitement expérimental, qui n’est pas dans les recommandations, j’écoute ses arguments et lui dis que je vais me renseigner.
Mais je me dis que c’est dommage que face à une maladie incurable, on ne puisse pas mettre plus de moyens pour essayer d’élargir les essais cliniques de traitement pour en faire bénéficier aussi les patients en maison de repos.
J’en discute ensuite avec mes collègues, on peut utiliser ce traitement uniquement à l’hôpital, dans le cadre de protocoles de soins expérimentaux très particuliers (essais cliniques). Une connaissance infirmière à l’hôpital trouve que, chez les patients à qui on a administré le traitement, les effets semblent positifs. Mais c’est interdit pour les médecins traitants de le prescrire en dehors des renouvellements de traitement des patients qui le prennent en chronique (pour des maladies rhumatologiques, par exemple), car il existe un risque de rupture de stock et donc pénurie du médicament pour ces patients. De plus, le traitement a des effets secondaires potentiellement importants. Le problème est donc réglé… Mais je me dis que c’est dommage que face à une maladie incurable, on ne puisse pas mettre plus de moyens pour essayer d’élargir les essais cliniques de traitement pour en faire bénéficier aussi les patients en maison de repos. Et pourquoi pas même augmenter les stocks d’un traitement aux effets potentiellement bénéfiques, même s’il a des effets secondaires. Quel est le rôle de l’industrie pharmaceutique ?
Les jours suivants, malheureusement, Mme L. développe une détresse respiratoire. Je lui fais administrer un traitement par oxygène et je prescris d’emblée des médicaments au cas où elle présenterait un encombrement respiratoire majeur, ce qu’on appelle en médecine le protocole de détresse respiratoire, conformément au protocole de prise en charge des patients fragiles atteints du covid en home.
Dès le lendemain, Mme L. ne parvient plus à s’alimenter ni à boire. J’appelle le home le matin et, à la fin de la journée, c’est la même infirmière-cheffe qui me donne des nouvelles. Je m’étonne qu’elle fasse le matin et le soir, elle me confirme que ses journées de travail sont de 12-13h. Ma proposition de tenir au courant la famille moi-même au fil de l’évolution lui convient : « Si elle devait se charger de ça en plus, elle ferait des journées de 24h ».
Plusieurs sentiments me traversent : de la tristesse pour ma patiente, privée de la visite de sa sœur depuis plusieurs semaines. Elle est maintenant en fin de vie sans ses proches. Je me retrouve à devoir faire des soins palliatifs à distance. En fait, j’ai l’impression de ne pas faire grand-chose, j’ai juste donné quelques instructions. L’infirmière-cheffe est rôdée car il y a malheureusement plusieurs cas de résidents atteints du covid, elle maîtrise très bien les protocoles de détresse…
Au téléphone, chaque jour, on me donne les paramètres de la patiente, qui est dans un sommeil profond non réveillable, et j’assure la communication avec sa sœur. Celle-ci me pose plein de questions : « N’aurait-elle pas été mieux à l’hôpital ? », « Ne lui aurait-on pas donné des antibiotiques ? », « Et une hydratation intra-veineuse ? »… Je tente de lui répondre au mieux en fonction des éléments que j’ai. Je lui explique qu’on est dans une situation de fin de vie, qu’on ne ferait pas mieux à l’hôpital et qu’on accompagne Mme L. au mieux pour qu’elle ne souffre pas.
Mais je m’interroge au fond de moi-même : cet accompagnement à distance est-il digne ?
J’ai aussi de la compassion et de l’admiration pour l’équipe soignante, qui se démène pour suivre au mieux tous les patients
J’ai aussi de la compassion et de l’admiration pour l’équipe soignante, qui se démène pour suivre au mieux tous les patients, malgré les cas de collègues atteints, les collègues absents pour d’autres maladies, la charge de travail incommensurable en raison des patients malades et du sous-effectif de l’équipe. Les soignants intérimaires en remplacement des absents font tout leur possible aussi.
Quatre jours après le premier épisode de détresse respiratoire de Mme L. et l’instauration de l’oxygénothérapie, l’infirmier de nuit me téléphone pour m’annoncer son décès. Elle est partie paisiblement, on n’a pas dû lui administrer de médicament pour la soulager. Je vais moi-même faire le constat de décès. Mme L. est en isolement dans le restaurant qui a été transformé en trois boxes. A côté d’elle, deux autres lits avec des patientes atteintes du covid, vivantes : je leur dis bonjour, elle n’ont pas l’air de me voir…
Quelques échanges avec l’infirmière responsable du jour : elle me dit « C’est dur, très dur ». « Hier, il n’y avait que deux soignants habituels du home, tout le reste du personnel était des intérimaires. », « Le plus triste est que les patients meurent seuls ». « On devra tirer des conclusions de tout ça… »
Mme A. est ma patiente depuis quelques années. Elle est responsable d’une équipe de nettoyage en maison de repos. Elle est dévouée à son travail. Elle consulte très rarement. Fin mars, elle me contacte par téléphone car elle est en burn-out. Je lui mets 15 jours d’incapacité.
Quelques jours plus tard, elle me recontacte car son chef lui a appris qu’elle avait été en réunion une semaine auparavant avec un membre du personnel testé covid+ et il y a quelques cas de patients testés positifs au home, elle aimerait faire le test de dépistage. Elle a un rhume et tousse un petit peu.
A priori, c’est « non » pour le testing car elle ne fait pas de fièvre. En plus, elle est en incapacité pour le moment.
Les recommandations (guidelines) sont claires. Je récite donc ma leçon...
On ne peut tester que :
- les cas suspects de covid 19 avec état clinique nécessitant une hospitalisation,
- les soignants répondant à la définition de cas possible (c’est-à-dire avec symptômes d’infection respiratoire aigüe) ET présentant de la fièvre,
- les premiers cas (jusqu’à un maximum de 5 personnes) qui remplissent la définition de cas possible dans une collectivité.
En plus, son incapacité pour burn out la couvre encore pour 10 jours et ses symptômes sont « légers ». Elle sera probablement remise d’ici la reprise, donc je lui explique les mesures de confinement et lui promets de la suivre par téléphone pour voir son évolution.
Elle insiste un peu pour faire le test : « Les familles ne peuvent plus visiter les résidents, c’est donc le personnel qui a amené le virus dans le home et contaminé les collègues et les patients », « On devrait tester tout le monde pour que le bâtiment reste le plus sain possible. »
On devrait tester tout le monde pour que le bâtiment reste le plus sain possible
Cet argument d’une logique imparable me fait douter du bien-fondé des guidelines, mais je reste sur ma position. Elle est en incapacité jusqu’au 8 avril, donc doit rester confinée jusqu’à être complètement remise de ses symptômes. On a trop peu de tests et je suis les recommandations. Je lui redonne les conseils adéquats quant aux mesures de confinement, l’hygiène à la maison… Et de toute façon, je la recontacterai pour le suivi et on verra s’il faudra prolonger la durée de l’incapacité de travail. Elle me remercie, non sans m’adresser un « C’est vous qui savez, c’est vous le docteur »
Quelques jours plus tard, elle se soigne avec des traitements naturels, citron, clous de girofle, prend des vitamines… se sent mieux. Elle ne tousse presque plus.
Entretemps, j’ai eu une discussion avec mes collègues de « Médecine Pour Le Peuple » (MPLP) qui prônent le testing de tous les résidents et de tout le personnel dans les collectivités. On discute de ça avec Mme A. Elle me dit qu’il est prévu qu’on fasse le test pour tout le personnel, mais on ne sait pas quand. Les arguments de la patiente et ces discussions m’ont fait changer d’avis, il me reste de quoi faire quelques prélèvements à la maison médicale, je lui propose de faire le testing (même si ce n’est pas dans les guidelines), si elle le souhaite encore.
« Evidemment » qu’elle souhaite faire le test, « d’autant que dans une MRS de la région, tout le personnel a été testé à la suite du forcing du syndicat et plus de la moitié des travailleurs étaient positifs. Ils ont été mis en incapacité et remplacés par des intérimaires ». Elle ajoute à ce sujet, « Idéalement, on devrait tester aussi les intérimaires »
Trois jours plus tard, le résultat du test arrive : il est positif.
J’annonce la positivité du test à Mme A. L’anxiété et la panique la gagnent. Elle est asymptomatique et il reste quelques jours avant sa reprise, ça me semble bon.
En appliquant à la lettre les recommandations, on n’aurait même pas testé la patiente…
Elle me rappelle le lendemain : le chef lui demande de prolonger son incapacité de travail de quatorze jours à partir du jour où le test est positif. Ok pour moi, mais je partage oralement mes doutes sur la durée, vu qu’elle va mieux. Je réfléchis tout haut à la continuité des soins ! Je m’entends de nouveau commencer cette phrase ainsi : « d’après les recommandations en Belgique… » et je me sens un peu idiote. En appliquant à la lettre ces recommandations, on n’aurait même pas testé la patiente…
Je ressens l’agacement de Mme A. et je la comprends. Elle se recentre sur sa situation : elle me demande si on peut tester son mari et ses enfants. Je comprends sa demande, mais me voici de nouveau à lui dire : « en Belgique, il n’y a pas assez de tests »… Je rationalise : il n’y a pas de complications chez elle, son mari et ses enfants sont en bonne santé.
Elle m’apprend que les tests pour tout le personnel vont bientôt commencer à son travail. Ca fait quinze jours qu’on en parle, mais rien n’est encore concrétisé.
Elle me dit aussi que son chef lui a conseillé de faire introduire un dossier au fonds des maladies professionnelles pour le covid.
Elle me pose une autre question : elle a un masque en tissu qu’elle met régulièrement depuis le début de ses symptômes, mais un seul masque, ce n’est pas suffisant. Elle aimerait aussi quelques masques supplémentaires et me demande une prescription. J’hésite un peu avec la pénurie : les masques doivent être réservés aux soignants. Je lui accorde une prescription de 5 masques.
Mme A. a raison sur toute la ligne. Je repense à tous les cas possibles de covid que j’ai eus par téléphone : je leur disais bien d’éviter les contacts, de mettre un masque s’ils en avaient un. Mais dans ma tête, avec la pénurie, les masques chirurgicaux, c’est pour les soignants et il en manque déjà. Je repense aussi à la discussion que j’ai eue avec une collègue de MPLP, scandalisée par le manque de masques : « Ce ne sont que des bouts de papier. On est en Belgique, qui est dans un pays développé... »
En tant que médecins généralistes, nous avons la confiance des patients. Ils comptent sur nous, pour leur prodiguer les meilleurs soins possibles en fonction des connaissances actualisées de la médecine, les informer, leur donner des soins de fin de vie dignes…
Nous avons un rôle important de santé publique à jouer dans cette crise du coronavirus, particulièrement pour limiter la propagation et les conséquences de la maladie.
Nous avons un rôle important de santé publique à jouer dans cette crise du coronavirus, particulièrement pour limiter la propagation et les conséquences de la maladie. On s’organise avec la première ligne téléphonique pour protéger les patients, assurer le maintien du confinement des patients malades… On participe aux efforts conjoints avec les hôpitaux (pré-tri) pour ne pas dépasser leurs capacités...
On travaille sur la base des recommandations officielles de bonne pratique, pour assurer ce rôle de santé publique. On doit appliquer ces guidelines, nécessaires à une prise en charge intégrée et cohérente. Mais ça ne doit pas nous empêcher de garder notre esprit critique : les guidelines, bien que nécessaires, sont basés sur les moyens qu’on met à notre disposition et qui sont insuffisants !
La crise du covid qui frappe de plein fouet les maisons de repos nous le rappelle chaque jour. Deux tiers des décès quotidiens ont lieu en maisons de repos. J’ai pu lire dans la presse d’il y a quelques jours un article sur la potentielle surévaluation des « chiffres » des décès en maisons de repos dans notre pays « qui a fait le choix de faire un comptage relativement inclusif qui nous défavorise car tous les décès ne sont pas attribuables au coronavirus » ! Mais au-delà des chiffres et de ces polémiques récentes, il y a des êtres humains, des résidents atteints du covid doublement isolés, les résidents non atteints démoralisés et délaissés, des soignants dévoués et courageux mais impuissants, et épuisés.
Les indications de prélèvement d’après les recommandations belges sont trop limitées et il y a des contradictions dans les recommandations.
Le testing généralisé des résidents et des soignants dans les maisons de repos (qui ne fait pas partie des recommandations) a été obtenu sur la pression des soignants de terrain. Il a commencé seulement il y a quelques jours. Dans certaines institutions, il n’a pas encore eu lieu. Ce testing arrive bien tard malheureusement !
« Le 15 avril : Le gouvernement se justifie : « on n’a pas négligé les personnes dans les maisons de repos. Les capacités de testing n’existaient tout simplement pas ». Aveu d’impuissance ? Pourquoi la Belgique n’a-t-elle pas comme d’autres pays mobilisé plus vite les laboratoires de biologie clinique pour augmenter rapidement la capacité de testing?
Que répond le gouvernement aux laboratoires de biologie clinique agréés qui clament leurs capacités à réaliser des tests sérologiques pour détecter si les patients ont été ou non en contact avec le virus et qui dénoncent leur mise sur le côté au profit de laboratoires de firmes pharmaceutiques !
Beaucoup d’acteurs de la santé se sont insurgés contre le manque de masques au début de la crise et ses conséquences
Beaucoup d’acteurs de la santé se sont insurgés contre le manque de masques au début de la crise et ses conséquences. J’ai entendu personnellement plusieurs témoignages de personnes de la catégorie des soignants en hôpital qui expliquaient que, faute de matériel de protection, les directions devaient choisir qui pourrait ou pas mettre un masque en fonction du risque, mettant en danger certains travailleurs et les patients. Et que nous disait le gouvernement ? Ah oui, c’est vrai : il y avait pénurie mondiale de masques…
Encore un mot sur les protocoles de traitement pour les patients en maison de repos. Il y a dans les hôpitaux des protocoles de prescriptions de certains médicaments pour la prise en charge du covid. Je ne veux absolument pas dire que ces traitements seraient miraculeux : ce serait évidemment faux. Il y a des effets secondaires de certains médicaments et pas toujours de preuve d’efficacité. Ils font partie d’essais cliniques dont l’application est très codifiée… mais au moins on essaie. Pourquoi les MRS ne bénéficient-elles pas (à ma connaissance) de plus de moyens d’essai de traitement comme à l’hôpital ?
Ça ferait du bien au gouvernement d’écouter la voix des patients et des acteurs de terrains : femmes d’ouvrage, aide-soignants, médecins coordinateurs de maison de repos… tous ont énormément de choses à apporter.
Comment s’y prendre ? Faudrait-il que des membres du gouvernement mettent les pieds dans les maisons de repos les plus touchées par le covid pour accélérer les décisions ?
Ou au moins, être à l’écoute des cartes blanches des citoyens et autres lettres ouvertes des soignants sur le terrain qui n’arrêtent pas de leur relayer leurs difficultés de terrain et leur faire des propositions concrètes.
Merci aux patients pour leur bon sens, aux soignants de terrain qui s’insurgent, au mouvement dans lequel je travaille pour me faire réfléchir et garder mon esprit critique face aux guidelines, nécessaires pour avoir une ligne de conduite de santé publique, mais parfois basés sur les moyens mis en œuvre plutôt que sur les besoins.
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