Faire passer la santé avant les profits: la recette de Lodi (Italie) pour freiner le Coronavirus
16 Mars 2020
Prendre des mesures fortes rapidement freine l’épidemie de Coronavirus, comme le prouve une comparaison entre deux provinces italiennes. L'une a pris des mesures de lockdown (confinement) rapidement, l'autre a attendu plus de deux semaines. Résultat? A Lodi, la propagation du virus a été ralentie. A Bergame, elle a explosé. Une leçon pour le gouvernement belge.
La Lombardie est la région du Nord de l’Italie la plus frappée par le Coronavirus. Dimanche, en un seul jour, 252 personnes y sont décédées, sur 368 dans le reste du pays. Mais, des chercheurs ont remarqué des différences importantes au sein même de la région. Tandis que le Coronavirus se propage très vite dans la province de Bergame, la province voisine de Lodi semble avoir limité la vitesse de propagation. D'où vient cette différence?
Deux approches radicalement différentes
Des chercheurs en démographie de l’Université d’Oxford se sont penchés sur les mesures prises par le gouvernement italien.1 Ils relèvent d'abord l'importance de mesures spécifiques pour les groupes les plus à risque, comme les personnes âgées. D'autre part, ils se penchent aussi sur la différence entre Lodi et Bergame. C'était à Lodi où le premier cas de Coronavirus a été diagnostiqué en Italie, le 21 février. Le 23 février, le gouvernement italien a émis un décret interdisant entre autres les déplacements des gens en-dehors de leur commune. Cela concernait alors les 10 communes de la province de Lodi. Dans la province de Bergamo, les cas du coronavirus ont commencé à augmenter à partir du 24 février. Mais aucune restriction similaire n'y a été imposée. Bien que les écoles, universités ainsi que tous les évènements culturels aient été fermés dans l’ensemble de la région lombarde, ce n’est que le 8 mars (deux semaines plus tard donc), que le lockdown pratiqué à Lodi a été étendu à l’ensemble de la Lombardie, Bergame inclue. On était alors au bord de l'effondrement du système hospitalier de la Lombardie. Deux jours plus tard, le gouvernement appliquera les mêmes mesures à toute l’Italie.
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La commune la plus frappée de la zone est probablement Alzano Lombardo (dans la province de Bergame). Sur place, on n'entend plus que le son des ambulances. La journaliste Francesca Borri y a interrogé un médecin local: « Les chiffres du nombre de malades qui sont diffusés sont désormais un peu au hasard. Parce que beaucoup ont de la fièvre, mais ils sont tous chez eux. Et donc ils ne sont pas repris dans les statistiques. » Alzano Lombardo et ses 14 000 habitants n'ont même plus « le luxe » d'organiser des funérailles.
Garantir les profits ou protéger la santé des travailleurs ?
Pourquoi les autorités ont-ils tergiversé dans cette province? Sur Twitter, le professeur Francesco Strazzari relève la « peur d'interrompre l'activité productive. » En d'autres mots: les autorités auraient préféré les intérêts économiques des entreprises à la santé de la population. Le lobby patronal, Confindustria (soeur italienne de la FEB, Fédération des Entreprises de Belgique), y aurait joué un grand rôle. Confindustria ne voulait pas de mesures trop strictes. La province de Bergame est une province importante avec plus d'un million d'habitants et beaucoup d'industries. Le lobby a donc mis en avant les intérêts économiques patronaux et mis la pression sur les partis politiques traditionnels. Même dans l'urgence la plus absolue. Le 6 mars encore, le lobby patronal soulignait qu'inclure Alzano Lombardo et la commune de Nembro dans la "zone rouge" affecterait 376 entreprises sur place, avec un chiffre d'affaires de 680 millions d'euro par an.2 En d'autres termes, il fallait penser aux intérêts économiques d'abord, à la vie des gens après. Cela a provoqué des grèves spontanées dans différentes usines. Aujourd'hui les usines commencent à fermer leurs portes, pour la protection des travailleurs. Le patronat se résigne à contrecœur. Giuseppe Pasini, président d'une section locale de Confindustria, a été obligé d'admettre que « pour l'instant, c'est l'urgence sanitaire qui gagne. »
Le gouvernement belge doit en tirer les leçons et arrêter maintenant tous les services et productions non-essentiels
La différence au niveau des résultats pour les gens et la santé publique est énorme, constatent les chercheurs de l'Université d'Oxford. Depuis le 13 mars, Bergamo a largement dépassé Lodi en terme de nouveau cas. A Lodi, les mesures prises semblent au contraire avoir ralenti la propagation du virus et permis d'étaler la pandémie dans le temps. Cet étalement est extrêmement important : cela évite qu'il y ait trop de cas simultanés dans les hôpitaux. Ceux-ci peuvent donc mieux gérer l'afflux de patients et sauver davantage de vies. D'autant plus que le système hospitalier de cette riche région italienne risque toujours de s'écrouler sous l’afflux de toujours plus de malades.
Nous ne pouvons pas en arriver là en Belgique. L'exemple italien illustre l'importance de mesures fortes, faisant primer la santé sur les intérêts économiques. Le gouvernement belge doit en tirer les leçons et arrêter maintenant tous les services et productions non-essentiels.
1. https://osf.io/fd4rh/?view_only=c2f00dfe3677493faa421fc2ea38e295
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