Fin de la semaine des 38 heures : la mobilisation syndicale a démarré…

Les organisations syndicales ont démarré la mobilisation contre la réforme du travail du gouvernement qui prévoit notamment la fin de la semaine des 38 heures de travail. Des réunions d’information sont organisées dans plusieurs endroits. Des tracts sont diffusés. Et des premières actions sont organisées ces mardi 19 et mercredi 20 avril. 

• Mardi 19 avril : la FGTB organise des actions à Bruxelles, Liège et Charleroi.
• • Bruxelles : Concentration de militants à 11h, place de la Monnaie, 1000 Bruxelles.
• • Liège : Rassemblement à 10h30 devant la Tour des finances à Liège. • Charleroi : Action coup de poing. Rendez-vous à 9h30 devant la régionale FGTB Charleroi/Sud Hainaut, Boulevard Devreux 36/38 à Charleroi
• Mercredi 20 avril à 14 heures - Bruxelles : la CSC organise une manifestation nationale « L’avenir est à nous » pour défendre des emplois de qualité et véritable protection sociales pour tous.

En plus de ces actions, d’autres réactions sont attendues pour les semaines à venir. Des réunions et actions de sensibilisations devraient également avoir lieu. En effet : la réforme du travail du gouvernement ne passe vraiment pas. Le ministre de l'Emploi, Kris Peeters (CD&V), veut supprimer la semaine de travail des 38 heures.

Sous prétexte de « mieux concilier vie professionnelle et personnelle », les mesures voulues par Kris Peeters vont nous faire travailler plus sans gagner plus, pour augmenter « la marge bénéficiaire » des entreprises. Et ces mesures ont pour but de priver le monde du travail de ce qui constitue sa force : la collectivité.

La semaine de 45 heures devient normale

Aujourd’hui, l’horaire de travail est calculé sur une semaine. On travaille 38 heures par semaine et 8 heures par jour. Si ces limites sont dépassées, on fait des heures supplémentaires qui sont récupérées ou mieux rémunérées.

En quoi travailler 9h par jour serait-il « moderne » ?

A partir du 1er janvier 2017, le gouvernement veut introduire « l’annualisation du temps de travail » : le nombre d’heures prestées est calculé sur la totalité de l’année et plus par semaine. La moyenne hebdomadaire reste de 38 heures, mais les employeurs pourront vous faire travailler jusqu’à 9 heures par jour ou 45 heures par semaine, et compenser durant d’autres semaines par des jours de travail plus courts, sans aucune compensation. Les heures supplémentaires ne sont comptabilisées qu’au moment où vous travaillez plus de 9 heures sur une journée, plus de 45 heures sur une semaine ou si vous dépassez votre nombre annuel d’heures.

Cela peut vouloir dire travailler six jours par semaine pendant trois semaines puis quatre jours pendant les deux semaines suivantes, puis de nouveau cinq jours mais le dimanche compris. Tout cela en fonction des besoins de la production, sans aucune compensation.

Des conséquences négatives pour la santé et notre portefeuille

Cette organisation du travail représente un danger pour la santé. L’incertitude sur les horaires, les longues semaines... sont des sources des stress, de fatigue et de burn-out.

Sur le plan salarial, les conséquences seront également énormes. Que vous prestiez 45 heures ou 28, vous serez payé 38 heures. De nombreux sursalaires pour heures supplémentaires disparaitront. 

Dans les systèmes à horaires variables (commerce, nettoyage, non marchand, gardiennage, feux continus,...), les patrons pourront ainsi supprimer tous les sursalaires pour les heures « inconfortables ».

Ceux qui vivent déjà sans la semaine des 38 heures en souffrent

Le ministre Kris Peeters déclare régulièrement que le système d’annualisation du temps de travail est d’application dans de nombreuses boites depuis des années. Alors, « pourquoi faire tant de problème ? »

Qu’est-ce que ça change de prendre congé si je dois quand même faire mon nombre d’heures sur le mois ?

En disant cela, Kris Peeters « oublie » un élément important. Dans de nombreuses entreprises où existent déjà des formes d’annualisation du temps de travail (automobile, hôpitaux, gardiennage,... secteurs qui concernent un travailleur sur quatre), les témoignages sont loin d’être enthousiastes. Caroline est nettoyeuse dans un hôpital, elle a un contrat à horaire et jours variables : « Je reçois un horaire provisoire un mois à l’avance. Je vois que la semaine X je dois travailler 2 jours au lieu de 5. Je me dis que je vais prendre deux jours de congé, pour avoir toute la semaine de libre. Je demande (et je reçois) deux jours de congé. Et que vois-je sur mon horaire définitif ? Qu’ils me font travailler deux autres jours dans la semaine en question. Qu’est-ce que ça change de prendre congé si je dois quand même faire mon nombre d’heures sur le mois ? »

« Pour avoir travaillé pendant 10 ans (à l’armée) dans ce système de temps de travail calculé à l’année, raconte Marc, je confirme : c’est mauvais pour la santé ! Un horaire calculé à l’année sur base de 38 heures par semaine moins les week-end, jours fériés et congés cela donnait en moyenne 1 660 heures par an à effectuer. Avec parfois des semaines de 24 heures 30 (rares) mais aussi des semaines bien plus longues que la normale. Ajouté au fait de travailler la nuit, cela devenait parfois très pénible. J’ai commencé à avoir des troubles du sommeil, de l’hypertension, prise de poids, etc. »

Qu’est-ce qui va changer pour ceux qui connaissent déjà l’annualisation du temps de travail ?

Jusqu’ici, les entreprises et secteurs qui fonctionnent avec des horaires atypiques ont dû négocier le cadre, les limites et les compensations avec les organisations syndicales. Le nouveau système permettrait aux patrons de se passer en grande partie de ces négociations et d’imposer l’annualisation sans rencontrer de résistance.

Le « compte carrière »

Le gouvernement veut mettre en place un « compte carrière ». Il s’agit d’un compte individuel sur lequel vous pourrez capitaliser des récupérations d’heures supplémentaires, des congés extra-légaux ou même votre prime de fin d’année. Tous ces jours accumulés, vous pourrez les utiliser « plus tard » prétend le ministre : pour élever vos enfants, construire votre maison, ou quitter votre boulot avant l’âge de la pension.

Cela semble attractif comme système. Mais dans les faits, il constitue une menace le système des pauses-carrières, interruptions de carrière et crédits-temps, qui étaient organisés et financés de façon collective. Il pousse également à faire des heures supplémentaires pour pouvoir peut-être partir en pension avant 67 ans. 

Des heures supplémentaires jusqu’à la semaine des 6 jours ?

Comme dit plus haut, les heures supplémentaires sont dorénavant celles prestées au-delà de 9h de travail sur une journée, au-delà de 45 heures sur une semaine et au-delà de la limite annuelle d’heures de travail.

Le travailleur se retrouve seul avec son patron à devoir négocier toute une partie de son temps de travail.

En plus de cela, le gouvernement veut changer complètement le système des heures supplémentaires. Chaque travailleur recevra un « paquet » de 100 heures supplémentaires par an à négocier – seul –  avec son patron. Chaque heure de ce paquet n’est pas récupérée. Elle est soit payée ou soit placée sur le « compte carrière », pour récupérer « plus tard, quand il aura besoin d’une pause dans sa carrière » (voir plus loin). Il s’agit d’un accord individuel, avec une limite de 11 heures par jour et 50 heures par semaine. Le nombre d’heures supplémentaires pourra être augmenté jusqu’à un maximum de 360 heures par an, par convention collective de travail dans l’entreprise ou le secteur de travail. Concrètement, de nombreux travailleurs pourraient vivre le retour de la semaine de 6 jours de travail. 

Il s’agit là d’un bouleversement du contrat de travail, où le travailleur se retrouve seul avec son patron à devoir négocier toute une partie de son temps de travail.

Kris Peeters : « La marge bénéficiaire doit augmenter... »

« La production, le chiffre d’affaires et la marge bénéficiaire doivent être accrus, tandis que les coûts doivent être réduits. (...) Le droit du travail doit permettre aux employeurs de faire face, sur le plan économique, aux pointes et aux creux dans la production et la livraison. (…) Une grande efficacité de la production est fondamentale », explique le ministre Peeters dans sa note de motivation de sa réforme. Ce sont donc bien les profits des entreprises qui sont le moteur de la réforme. Au vu de ces déclarations, la terminologie autour du travail « faisable » semble surtout avoir pour but de faire passer la pilule aux travailleurs.

Dans les faits, les mesures « modernes » du ministre renvoient les travailleurs presque 100 ans en arrière. La journée de 8 heures a été arrachée par les travailleurs et leurs organisations après plusieurs années de lutte. Elle a été adoptée en Belgique en 1921. En quoi travailler 9h par jour serait-il « moderne » ? Le progrès technologique a facilité et allégé le travail, ce qui permet de diminuer le temps nécessaire à la production. On devrait donc plutôt travailler 7 ou 6 heures par jour, au lieu de 9, voire 11 heures.

L’autre réforme du temps de travail : les 30 heures par semaine

Il existe aussi un tout autre modèle. Bien meilleur, bien plus social, bien plus respectueux des gens et bien plus sûr. Une redistribution générale du travail qui non seulement aidera bien plus de gens à trouver du boulot, mais qui fera en même temps baisser considérablement les facteurs de stress et de surmenage. À la place de l’annualisation du temps de travail, des contrats zéro heure, des contrats yo-yo ou du travail intérimaire à vie, il serait plus judicieux d’opérer un choix de société tourné vers l’avenir : celui de la semaine de 30 heures. Une manière de travailler où les gens ne sont pas en permanence suspendus à un fil, mais où ils peuvent à nouveau gérer leur propre vie.

Kris Peeters, le gouvernement et le patronat veulent imposer aux travailleurs le rythme de la production et du marché. La semaine de 30 heures, elle, permet d’adapter le travail au rythme des travailleurs. Car, comme le disent les Français qui se battent depuis des semaines contre la Loi Travail (grande sœur de la réforme Peeters), #OnVautMieuxQueCa.