Grève dans les soins de santé en Allemagne : « Avec un personnel plus nombreux, tout le monde se porte mieux »

Ils étaient 4.000 dans les rues de Düsseldorf ce 20 juin pour crier leur colère et parfois leur désespoir devant le Parlement régional où se réunissaient les ministres de la Santé des Länder allemands. Le groupe de base « soins de santé » du PTB Liège était présent.

« En service de nuit, nous sommes 2 infirmières pour 36 patients. Les erreurs sont inévitables, et ce sont les patients qui en souffrent », raconte Esther. Les pancartes sont explicites : « Veuillez mourir calmement, nous n’avons pas le temps. » Le personnel des hôpitaux et maisons de repos n’en peut plus. Le syndicat ver.di a mené une enquête auprès de ses affiliés et a publié les résultats le 18 juin: il manque 80.000 personnes dans les hôpitaux et 63.000 dans les maisons de repos. Il y a dans les hôpitaux 35,7 millions d’heures supplémentaires non récupérées. Dans les maisons de repos, les infirmières sont payées jusqu’à 600 euros de moins que dans les hôpitaux. Pourtant le travail n’y est pas plus léger …

Deux jours plus tard dans la presse, le ministre de la Santé déclare qu’il n’y a pas assez d’éléments et de chiffres pour démontrer le manque de personnel, mais qu’il veut s’engager pour créer 13.000 emplois. Seulement 10 % de ce que les travailleurs réclament …

Très dynamiques dans la manifestation, les jeunes en formation dans les écoles de nursing. « En pédiatrie, les normes varient selon qu’on est en soins intensifs ou en salle normale. En soins intensifs, nous sommes une infirmière pour 3 bébés. En salle normale, une pour six. Là c’est intenable. Si les mamans ne sont pas là (en Allemagne une maman peut accompagner son enfant à l’hôpital s’il a moins de dix ans et c’est pris en charge par la sécu), on ne s’en sort pas. » Voilà ce que raconte Léonie, qui vient de faire ses premiers stages en milieu hospitalier. En 2020, elle sera normalement infirmière pédiatrique et espère que les autorités auront pris les mesures nécessaires.

De plus en plus d’hôpitaux, propriété de groupes commerciaux

Willy, 66 ans, a travaillé en psychiatrie à l'hôpital de Lengerich. « Je suis pensionné depuis quelques mois. Il était temps. C’était devenu impossible pour moi de travailler en trois-fois-huit. Mais ce qui m’inquiète le plus c’est l’évolution de l’organisation des soins de santé en Allemagne. De plus en plus d’hôpitaux sont en fait la propriété de groupes commerciaux comme Helios qui ne cherchent qu’une chose : faire du profit pour leurs actionnaires. Ces gens s’enrichissent sur le dos des patients. C’est vraiment honteux et je n’accepte pas que notre gouvernement laisse faire. »

En Allemagne comme en Belgique et dans le reste de l'Europe, l'avenir des soins de santé ne peut pas être celui de la privatisation et de la commercialisation. C'est une question de choix de société, comme le revendiquent les partis de gauche présents le long du cortège. Le parti communiste allemand et Die Linke ont salué les manifestants avec des messages de soutien : « Les gens avant le profit » ou « La santé n’est pas une marchandise », mais aussi « Engagez 100.000 infirmières au lieu d’acheter 800 chars d’assaut. »

Modèle de lutte pour d'autres secteurs

Cette lutte pour l'allègement de la charge de travail montre que si l'Etat représente les intérêts des entreprises, seules les grèves peuvent forcer le gouvernement à fixer enfin des normes légales pour avoir assez de personnel dans les services. Jan von Hagen, secrétaire de ver.di pour les soins de santé à Düsseldorf, compare la lutte pour l'allègement de la charge de travail avec la lutte pour les indemnités de maladie : au milieu des années 1950, les métallurgistes du Schleswig-Holstein ont fait grève 16 semaines et ont forcé le parlement fédéral à adopter une loi qui a considérablement amélioré la situation de tous les employés. « Les collègues des hôpitaux sont en train de devenir des modèles pour lutter contre les attaques des patrons dans d'autres secteurs », di-il. Comme à la Poste, où les membres de ver.di cherchent des moyens d'alléger la charge de travail du personnel de livraison.