« L’antidote de ce virus sera la solidarité, l’amour et le partage » | Coronavirus, des nouvelles du front (11)

Interview avec Emel Kaplaner, accueillante et responsable de la maison médicale la Clé à Schaerbeek.

Comment as-tu vécu le tout début de la crise du Coronavirus ?

Emel Kaplaner. Au début, j'étais stressée de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir répondre aux questions des patients. Mais très vite, on a instauré des briefings avec l'équipe des médecins sur nos temps de midi. Le fait de pouvoir discuter tous les jours avec le reste de l'équipe m'a permis de me sentir beaucoup plus à l'aise. C'est important parce que les infos du JT sont parfois ambiguës : on ne sait pas ce qu'on peut faire ou ne pas faire. Ici, on a cette chance d'avoir de bonnes informations médicales, ce qui nous permet aussi de rester attentives au cas où nous aurions nous-mêmes des symptômes et de savoir ce qu'il vaut mieux éviter de prendre comme médicament si on a un doute : par exemple, il ne faut pas prendre d'Ibuprofen.

Comment définirais-tu le rôle de l'accueil pendant cette période de Coronavirus ?

Le rôle de l’accueil est super important en cette période. Nous devons rassurer les patients.

Emel Kaplaner. Le rôle de l’accueil est super important en cette période. Nous devons rassurer les patients. Nous avons mis en place un nouveau système : on envoie les prescriptions et les certificats par mail. Ça rassure les patients de savoir qu'ils ne doivent pas sortir pour ça, qu'ils peuvent respecter un maximum le confinement. On a aussi un rôle important pour lutter contre leurs angoisses : ils ont confiance dans la maison médicale, donc ils écoutent nos conseils. C'est un lien de confiance qu’on a construit depuis des années. On leur pose des questions médicales plus poussées que d'habitude, mais c'est surtout pour faire le tri avant de passer l'appel aux médecins.

Quels sont les retours des patients ?

Une patiente m'a dit : « À 20h, j'applaudis aussi pour vous. » Cette solidarité est forte.

Emel Kaplaner. On a énormément de remerciements. Souvent, les patients commencent par nous remercier avant même de nous poser leur question. On a même reçu des petits plats ou des desserts. Une patiente m'a dit : « À 20h, j'applaudis aussi pour vous. » Cette solidarité est forte. Je pense que ça va créer une solidarité continue. Il y a quelques jours, je suis allée déposer des médicaments chez un couple de patients âgés : le sourire qu'ils ont eu quand ils ont ouvert la porte, ça n'a pas de prix ! C'est magnifique comme un simple geste peut te renvoyer plein de choses positives.

Quel est ton message pour les jours à venir ?

L’antidote de ce virus sera la solidarité, l’amour et le partage.

Emel Kaplaner. J'ai l'espoir que cette solidarité continue. Nous sommes dans une société qui nous pousse à l'individualisme : cette crise montre au contraire qu'on est solidaires les uns avec les autres. Même en rue, tout le monde se dit bonjour : on a envie de savoir comment vont les gens. Ça te met de la joie au cœur. C'est comme le rendez-vous de 20h avec les voisins pour applaudir les blouses blanches. On doit prendre conscience de cela et arrêter de faire ce que les plus riches nous poussent à faire : le chacun pour soi. Ce virus a arrêté le monde, il y a comme un stand-by. Même dans les guerres : l'ONU appelle à un cessez-le-feu. Ce qui nous arrive est terrible, surtout pour les victimes directes, mais ça nous donne aussi l'occasion de tout re-réfléchir : on nous a tellement inculqué qu'on n’avait plus le temps pour rien ! C'est peut-être le moment de prendre le temps pour changer tout ce qui ne va pas dans notre société. L’antidote de ce virus sera la solidarité, l’amour et le partage.

Une chose est sûre : Emel continue à répandre la solidarité. Le téléphone sonne, c'est apparemment une patiente qu’Emel connaît bien : « Comment tu vas ? Et la famille ? Ça fait plaisir d'avoir de tes nouvelles. » Après avoir noté la question dans le dossier, Emel termine l'appel : « Il n'y a pas de petite question. Toute l'équipe reste disponible même si une grande partie se fait maintenant par téléphone. On t'enverra la prescription par mail ».