L’attentat de Kaboul montre que la guerre est toujours une réalité en Afghanistan

Ahmad Wali Ahmad Yar, d’origine afghane et diplômé d’un master en sciences politiques à l’ULB, est actif dans le groupe Amitiés sans frontières. Il réagit à l’attentat particulièrement meurtrier du
31 mai à Kaboul.

Que s’est-il exactement passé?

Ahmad Wali Ahmad Yar. Des terroristes kamikazes ont commis une attaque au camion piégé. Il a d’abord été question de 80 morts. Ce chiffre est ensuite monté à 150 et on dénombre plus de 300 blessés. L’explosion a eu lieu à l’heure de pointe, dans un quartier diplomatique du centre de Kaboul. La volonté était clairement de tuer un très grand nombre de gens.

Tant Daech que les Talibans nient être impliqués. Le gouvernement afghan accuse le réseau Haqqani, un groupe extrémiste qui est dirigé principalement depuis le Pakistan et qui a déjà commis plusieurs attentats terroristes en Afghanistan. Les autorités afghanes le considèrent comme une organisation terroriste mais, au Pakistan, ce groupe est au contraire protégé et il peut donc se développer. Il mène le « djihad » en Afghanistan parce qu’il estime que ce pays est trop sous l’influence de l’Occident, vu la forte présence militaire occidentale. Ce réseau n’a toutefois pas encore revendiqué l’attentat du 31 mai.

Le lendemain de l’attentat, la population afghane a manifesté devant le palais présidentiel et a exigé la démission des chefs des services nationaux de sécurité parce que ceux-ci ne peuvent plus garantir la sécurité dans le pays. Les gardes du palais et la police ont reçu l’ordre de tirer sur les manifestants. Six d’entre eux ont perdu la vie et il y a eu des dizaines de blessés, alors que les manifestants n’étaient pas violents.

Comment devons-nous comprendre cet attentat et son contexte?

Ahmad Wali Ahmad Yar. Les grandes puissances internationales, les États-Unis en tête, et les puissances régionales mènent leurs guerres en Afghanistan. Il y a des tensions entre l’Inde et le Pakistan, la Russie, la Chine, l’Iran et les puissances occidentales. Avec le Pakistan, les États du Golfe soutiennent de leur côté des groupes extrémistes en Afghanistan. En plus, le gouvernement afghan n’a pas pris clairement position par rapport à ces groupements extrémistes et il n’y a pas de véritable volonté de les combattre. Le gouvernement est lui-même impliqué dans des affaires de corruption et l’armée afghane vend des armes à des talibans et à des membres d’autres groupes. Il n’est donc pas du tout étonnant qu’il y ait ce genre d’attentats. Je crains d’ailleurs que d’autres vont suivre.

Je pense que la meilleure solution est que l’Occident décide d’abandonner cette guerre et de laisser l’Afghanistan aux Afghans. L’Occident devrait aussi revoir sa position plus qu’ambiguë et arrêter sa collaboration avec des pays comme le Pakistan, qui autorise la présence d’organisations terroristes sur son territoire. C’est seulement de cette manière que l’on pourra vraiment s’attaquer au terrorisme.

Article publié dans le mensuel Solidaire de juillet 2017. Abonnement.