Le Brexit de Boris Johnson, l'Union européenne ou une large résistance sociale

La Grande-Bretagne est dans la tourmente. Le Premier ministre Boris Johnson veut un Brexit sans accord, une sortie de l'Union européenne sans arrangement avec celle-ci. Pour étouffer toute protestation, il a tout simplement décidé de mettre le Parlement hors-jeu pour plusieurs semaines. L'indignation est grande, avec une pétition en ligne très largement signée et des centaines de milliers de manifestants dans les villes du Royaume-Uni. Pourtant, de nombreux citoyens ordinaires continuent à vouloir un Brexit– pour lequel ils ont voté en juin 2016, avec une courte majorité.

« Une révolte contre l'élite. » C'est ainsi que le spécialiste de l'Europe Geert Mak a qualifié à l'époque le résultat du référendum sur le Brexit. Pour le député européen PTB Marc Botenga, « les gens qui ont voté pour le Brexit en avaient plus que marre. Marre du dumping social, de la liquidation de leur industrie. Marre que leur chemin de fer ait été anéanti par les privatisations, que les soins de santé soient rendus impayables ». Cette situation résulte de la politique libérale dure menée par Margaret Thatcher dans les années 1980 d'abord, et ensuite de la politique du New Labour, la social-démocratie de Tony Blair qui a systématiquement démantelé les droits sociaux et les services publics.

Pour la majorité des Britanniques, l'Union européenne n'offrait toutefois aucune alternative sociale. En effet, les mesures antisociales dures, l'austérité et les privatisations, les normes en matière de dépenses et les contrôles budgétaires : toutes ces directives sont gravées dans les traités de l'UE, elles sont imposées par la Commission européenne aux États membres de l'UE, et traduites en décisions politiques et lois par tous les gouvernements. Elles sont elles-mêmes inspirées du néolibéralisme de Margaret Thatcher, la Dame de fer, et elles ont fait le lit du Brexit, qui n'offre pourtant pas la moindre solution aux Britanniques ordinaires. To Brexit or not to Brexit ? « Sans rupture avec la logique de concurrence, cela représente au bout du compte un choix entre la peste et le choléra – entre l'Union européenne néolibérale et les ultralibéraux britanniques », constate Marc Botenga.

« En fait, les gens veulent pourtant partout la même chose : des emplois corrects, un bon salaire, une bonne santé, des logements payables et des possibilités d'avenir pour leurs enfants, écrivait Peter Mertens dans son livre Au pays des profiteurs. Et ce n'est pas ce que leur apporte cette Union européenne. Mais l'ironie veut que, dans leur Grande-Bretagne "indépendante", les Britanniques seront probablement face à un nouveau thatchérisme pur sang, alors que c'est justement ce dont ils veulent être débarrassés. »

La résistance contre l'establishment britannique et européen

Car si, le 31 octobre, Londres en finit avec Bruxelles, cela s'opérera à l'exacte mesure de la City, le cœur financier de Londres, et de la grande industrie britannique. Le Brexit de Boris Johnson sera effectué par une élite de droite dure, par un establishment qui ne jure que par les économies et les privatisations. Si on ajoute à cela l'incitation éhontée au nationalisme et au racisme par les tenants de la ligne dure du Brexit, on voit apparaître un « Make Britain Great Again » à l'image du « Make America Great Again » de Trump. L'intervention autoritaire et anti-démocratique de Boris Johnson donne encore une dimension de plus à la crise du Brexit, un point de comparaison supplémentaire avec Donald Trump. Celui-ci est d'ailleurs le plus grand fan de Boris Johnson, et vice-versa.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la situation internationale est très tendue, avec une concurrence croissante et des guerres commerciales entre les blocs des grandes puissances, une fascisation qui s'étend, la menace d'une récession économique et une détérioration du climat de plus en plus catastrophique. Dans ce contexte, l'establishment a plusieurs fers au feu pour préserver son propre petit monde, celui du 1%, contre les 99%.

La protestation contre l'élite et l'establishment, contre la politique antisociale et antidémocratique, européenne ou britannique, est non seulement justifiée, mais aussi primordiale. « La question-clé est comment élargir la mouvement pour atteindre des millions de gens – car il faut être des millions », observe l'activiste et auteur britannique Kevin Ovenden. Dans la rue et par des pétitions sur internet, sur les lieux de travail et avec les syndicats, dans les quartiers et avec les mouvements sociaux, dans les écoles et avec les organisations de jeunes. Cela vaut pour la Grande-Bretagne, mais aussi pour le reste de l'Europe.