Le syndicat a de l’avenir | Priscilla, la garde-malade qui soigne aussi ses collègues

Ils sont jeunes. Ils se battent. Ils vivent en Flandre ou en Wallonie. Ils ne se connaissent pas mais ils se bougent pour les mêmes raisons et pour défendre les leurs : la classe travailleuse. Avec des milliers d’autres, ils construisent les syndicats de demain. Nous sommes partis à la rencontre d'une nouvelle génération de syndicalistes.

Rien ne prédestinait Priscilla Jeanbaptiste à devenir déléguée syndicale. Pourtant, après avoir trouvé du sens grâce à son travail, c’est à travers son engagement syndical que la jeune femme (29 ans) s’épanouit aujourd’hui. Et toujours avec le sourire. 

Après des études en sport, infographie, arts, publicité, Priscilla Jeanbaptiste décide de changer de voie. « En juillet, cela fera 7 ans que je travaille à l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural, entreprise sociale, NdlR). J’ai fait une formation en promotion sociale et j’ai fait mes stages à l’ADMR en tant qu’aide-familiale. Mais mon but était de faire garde à domicile. Je termine mon stage fin juin et début juillet je commence à l’ADMR comme garde-malade... »

Habitant le nord de la province du Luxembourg (Haut-Fays), et travaillant au sud de celle de Namur (Bièvre), Priscilla, 29 ans, recherche le contact avec les gens. « On est là pour leur bien-être, on essaie de leur remonter le moral, de les aider dans leur vie quotidienne... On a la chance de pouvoir passer du temps avec eux. On fait des prestations de minimum 3 heures chez la personne. »

« À l'école, on ne nous apprend pas à lire les comptes d'une entreprise. C'est utile pourtant... »

Si Priscilla trouve du sens dans son travail, un autre engagement va venir frapper à sa porte. En 2016, la CSC recherche des jeunes candidates pour les élections sociales. Priscilla reçoit un coup de fil. « J’ai dit oui et me voilà dans l’engrenage ! (Rires) Ce qui me plaît le plus, ce sont les formations. On ne reste pas sur nos acquis, on découvre plein de choses. On nous apprend à étudier les comptes d’une entreprise, par exemple. On ne nous apprend pas ça à l’école, malheureusement. C’est utile pourtant ! (Rires) »

Quand on lui demande son meilleur souvenir depuis qu’elle s’est engagée dans le syndicat, la réponse fuse : « La première manifestation à laquelle j’ai participé. C’était à Bruxelles, avec tout le secteur non-marchand, en novembre 2016. On était 17 000. Je ne me rendais pas compte qu’on pouvait être autant. Quand on est dedans, on ne voit pas le début ni la fin. On n’a aucune idée du nombre qu’on est. C’est après, quand j’ai vu les images à la TV... Je me suis dit “waw ! Il y a moyen de bouger donc !” J’ai vite voulu recommencer ! »

« Ils ne nous écoutent pas ? Parlons plus fort. »

Un enthousiasme communicatif. « Beaucoup de mes amis ou des collègues de mon copain me posent des questions, me demandent des conseils. On ne connaît pas forcément un permanent syndical, on ne sait pas où s’adresser, surtout dans une région comme la mienne... Les questions portent sur plein de secteurs, parfois très éloignés du mien. Soit je connais les réponses vu que je les ai apprises durant les formations syndicales, soit je me renseigne. »

La chose qui frappe le plus la jeune femme quand elle se retrouve à devoir négocier avec des décideurs politiques, c’est le peu d’écoute dont ils font preuve. « Eux sont dans leurs bureaux, pas sur le terrain avec nous. Ils ne connaissent rien à notre vie, à notre réalité. Notre avis les intéresse peu. Discuter avec eux, ce n’est pas ça qui fait avancer les choses. Je le sais, j’ai été la voisine de David Clarinval (vice-Premier ministre MR, NdlR). (Rires) »

S’asseoir à la table d’un ministre pour faire bouger les choses ? La jeune syndicaliste sait par expérience que cela ne fonctionne pas. « Il a fallu manifester, faire grève, pendant plus de 20 ans pour que les aide-familiales aient un statut convenable. À un moment, il faut agir concrètement. On doit passer par la grève, par des manifestations. Pas par choix, mais par nécessité. »

« Une augmentation de deux tasses de café par mois ? Je n'aime pas le café. »

À Bièvre aussi, on remarque un regain de popularité des syndicats. À quoi est-ce dû ? « À notre travail durant la crise du coronavirus. Nous, nous avons envoyé des tonnes de SMS d’encouragements, on a fait un gros travail de renseignements auprès des travailleurs pour qu’ils sachent à quoi ils avaient droit, etc. On a fait beaucoup, et on a reçu beaucoup de messages positifs en retour. Dans beaucoup d’endroits, d’entreprises, la direction ne communiquait pas, laissait les travailleuses et les travailleurs dans le flou. On a pris les choses en main. »

Conclusion, dans un rire qui ne la quitte jamais : « Aujourd’hui, les travailleuses et les travailleurs se battent pour des augmentations de salaire supérieures au 0,4 % que veulent nous imposer les patrons et les ministres. Il faut arracher plus car 0,4 %, ce n’est pas grand chose. Deux tasses de café par mois. Et en plus je n’aime pas le café. (Rires) »