Les États-Unis sont-ils sur le point d'assister au plus grand mouvement social depuis des décennies ? | Le coronavirus dans le monde

Chaque jour, Solidaire sélectionne pour vous des informations issues de la presse internationale. La situation sur le nombre de victimes, mais aussi comment les travailleurs se battent pour faire primer leur santé sur le profit.

USA : des mobilisations des travailleurs dans de nombreux secteurs

Les actions des travailleurs étatsuniens se multiplient dans des secteurs très divers.

Sur la seule journée du 6 avril, les employés d'un McDonald's de Los Angeles ont arrêté le travail lorsqu'un collègue a été diagnostiqué positif au coronavirus. Pour la deuxième fois en un mois, les employés d'un entrepôt Amazon de Staten Island se sont mis en grève après que 26 de leurs collègues aient contracté le virus. Et dans la banlieue de Chicago, les employés de deux usines ont quitté leur poste parce que la direction n'a pas annoncé immédiatement que leurs collègues avaient été diagnostiqués avec le Covid-19.

Tous ces mouvements ont en commun de revendiquer la sécurité, les salaires et les congés maladie. Alors que 16 millions de personnes viennent de perdre leur emploi aux États-Unis, on est peut-être à au début d’une nouvelle réalité, où les travailleurs reconnaitront leur pouvoir - et l'utiliseront face aux entreprises et à leurs PDG.

D’après Joseph Stiglitz (Prix Nobel d’économie en 2001), les Américains vont subir des pertes dévastatrices de revenus. Robert Shiller, économiste et autre lauréat du prix Nobel, compare la situation actuelle à celle de la Grande Dépression de 1929, lorsque les travailleurs ont reçu une grande sympathie de la part de l’opinion publique : celle-ci s’était alors retournée contre le système économique. D’après Shiller, on est maintenant dans une situation similaire, les travailleurs ne sont pas responsables de la crise, au contraire, il y a une forme d’héroïsme de ceux et celles qui sont contraints de continuer à travailler.

Au plan politique, les députées à la Chambre des réprésentants Rashida Tlaib et Pramila Jayapal, membres de l’aile gauche du parti démocrate, ont dévoilé la loi ABC (Automatic BOOST to Communities). Il s’agit d’une loi qui propose de fournir immédiatement un paiement de 2 000 dollars à chaque américain comme secours essentiel pendant la crise COVID-19, suivi de paiements mensuels récurrents de 1 000 dollars pendant un an après la fin de la crise pour aider le pays et les familles à se remettre sur pied. Leur revendication : « Les gens, et non les entreprises, doivent être au centre de tout effort de secours législatif pour combattre les méfaits de cette pandémie mondiale ».

France : la fermeture des entrepôts Amazon, une victoire pour les travailleurs

Le tribunal judiciaire de Nanterre a sanctionné la multinationale Amazon ce mardi 14 avril concernant les conditions de travail de ses salariés et le maintien d’une partie de ses activités. Saisi par le syndicat SUD (Union syndicale Solidaires) et l’association Les Amis de la Terre, la justice a notamment estimé que l’entreprise a « de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés ».

Depuis le début de l’épidémie, les travailleurs dénoncent les conditions de travail dangereuses au sein de ces entrepôts et l’absence de mesures de la direction. Ils se heurtaient à l’inaction du gouvernement, qui considère la livraison comme une activité essentielle, malgré le fait qu’Amazon ne livre aucun produit frais et très peu de biens de première nécessité via ses entrepôts. Les travailleurs se sont donc tournés vers la justice et obtenu gain de cause.

En réponse, Amazon a été contraint de fermer tous les sites français pendant cinq jours, du 16 au 20 avril. Un comité social et économique (CSE) convoqué mercredi s'est prononcé par 14 voix sur 18 votants en faveur de cette fermeture, qui permettra de nettoyer les sites et d'évaluer les risques, a précisé un délégué syndical CGT (Confédération Générale du Travail). Selon la direction, les salariés seront payés à 100 % de leur rémunération pendant cette fermeture.

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Le Syndicat des Quartiers Populaires de Marseille et les anciens salarié.es du McDo Saint-Barthélemy ont quant à eux réquisitionné leur restaurant pour créer une plateforme de distribution alimentaire et font un appel à la solidarité. L’objectif est de venir en aide aux familles des quartiers populaires de Marseille en difficulté qui ne parviennent plus à nourrir leurs enfants. Ce confinement est socialement dévastateur pour les personnes les plus précarisées, les politiques publiques n'étant pas à la hauteur.

Espagne : un bouclier social pour protéger les familles de travailleurs

Au moins 11.600 personnes sont mortes dans les maisons de repos du coronavirus ou de symptômes qui y ressemblent. Ces lieux sont devenus de grands centres de contagions et il y a beaucoup de cacophonie sur la façon dont les décès sont pris en compte ou non.

Dans un interview, la Ministre du travail Yolanda Diaz (Izquierda Unida – gauche unie) a déclaré que l’Espagne était championne de l’emploi précaire et que cette crise devait être une leçon pour corriger cette situation et assurer des services publics de qualité.

Par ailleurs, le gouvernement va approuver pour le mois de mai le revenu minimum vital pour les familles les plus vulnérables. Cela concernera 100 000 familles monoparentales. D’après Alberto Garzon, Ministre de la Consommation (Izquierda Unida – gauche unie), l’objectif est de déployer un « bouclier social » pour protéger les familles de travailleurs.

Italie : les entreprises qui ne payent pas leurs impôts doivent-elles être aidées par le gouvernement ?

Une pétition a été lancée par la plateforme progressiste Milano2030 pour placer le secteur de la santé sous la tutelle d'un commissaire. « La gestion du secteur de la santé de la Lombardie était le meilleur allié de Covid-19 », affirme Vittorio Agnoletto, médecin d'entreprise et militant, un des promoteurs de la pétition en ligne.

Après la diffusion d’un reportage qui a montré que de nombreuses grandes entreprises italiennes telles que Fiat, Ferrari, etc. ont des sièges fiscaux aux Pays-Bas, le débat public se tourne vers la question suivante : doivent-elles aussi avoir droit aux 400 milliards que l'État italien va injecter dans l'économie ?

Maurizio Acerbo (Rifondazione – communiste) demande s'il ne devrait pas être interdit aux groupes de capitaux basés à l'étranger de posséder des journaux et des chaines de télévision en Italie et si ces multimilliardaires ne devraient pas être soumis à un impôt sur la fortune de 10%. « Pourquoi tous ces médias attaquent-ils lâchement les immigrés et les homosexuels sans jamais dire un mot de la gestion honteuse de cette crise ? Peut-être parce qu'ils servent à vous distraire des vraies raisons de vos problèmes ».

Allemagne : pour un impôt exceptionnel sur le capital afin de financer la crise.

Dietmar Bartsch, co-chef de file de Die Linke (gauche radicale) propose un impôt sur le capital, au niveau européen : « En aucun cas, des économies ne doivent être réalisées sur les infrastructures publiques. Après la dernière crise, les citoyens ont payé les dettes liées au sauvetage des banques. Dans le même temps, on a compté 500 000 millionnaires supplémentaires. Cette façon injuste de gérer la crise ne doit pas se reproduire. Une taxe foncière unique sur le grand capital serait judicieuse pour financer une partie des coûts de la crise du coronavirus. Ni la caissière allemande ni l'infirmière italienne n'ont à payer pour cette crise. Il faut parvenir à un consensus social pour un partage équitable des charges, tout comme après la Seconde Guerre mondiale »

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Par ailleurs, mardi le parlement du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie a adopté la loi sur la pandémie à une large majorité, contre les votes de la faction AfD (extrême droite). Cette loi prévoit notamment que le ministère de la santé du Land peut obliger les exploitants d'hôpitaux à créer des capacités de traitement supplémentaires et à ne pas reporter des opérations dont le besoin est urgent. Les autorités sont également autorisées à confisquer des médicaments ou du matériel médical, pour autant qu'ils ne soient pas la propriété de particuliers.

Pays-Bas : « si les locataires étaient des compagnies aériennes, ils obtiendraient bien plus facilement de l’aide du gouvernement »

GroenLinks (écologistes de gauche), SP (gauche) et PvdA (sociaux-démocrates) ont demandé l’annulation de l'augmentation des loyers autorisée par la loi à partir du 1er juillet. En effet, de nombreux locataires connaissent des problèmes financiers en raison de la crise. Selon Sandra Beckerman, députée SP, le gouvernement refuse toujours d'annuler cette augmentation de loyer, qui avait pourtant fait l’objet d’une annonce publique : « si les locataires étaient des compagnies aériennes, ils obtiendraient bien plus facilement de l’aide du gouvernement ».

Le syndicat CNV revendique quand à lui une augmentation de 500 euros nets pour les logisticiens et les caissiers.

Enfin, le SP a lancé une pétition en soutien aux soins de santé. La revendication centrale : les soignants méritent plus que des applaudissements. Il faut des salaires plus élevés, plus de contrôle, plus d’investissements et plus de collègues. Les soins de santé ne devraient pas avoir à payer la facture de la crise avec de nouvelles réductions budgétaires.