Les syndicats au cœur de la démocratie

Les syndicats sont-ils encore représentatifs ? 1,5 million d’électeurs, qui choisissent parmi plus de 130 000 candidats dans 7 000 entreprises, pourront bientôt répondre à la question. Grâce aux élections sociales, qui auront lieu en 2016. 

Le processus des élections sociales a commencé en décembre et s’étend sur six mois. Il commence symboliquement par le tirage au sort du numéro des listes syndicales (la CGSLB a obtenu le n°1, la FGTB le n°2 et la CSC le n°3) et se termine au mois de mai avec les élections dans les entreprises.

Qui élit-on ? 

Les travailleurs devront choisir, parmi plus de 133 000 candidats et candidates, leurs représentants (ou délégués) syndicaux. Formellement, les travailleurs doivent élire leurs délégués au Conseil d’entreprise (CE) et au Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT). C’est aussi parmi ces élus qu’on choisit généralement ce qu’on appelle la Délégation syndicale (DS). 

Ce sont tous des organes où les travailleurs peuvent faire valoir leurs droits à la sécurité, à l’organisation du travail, au bien-être, etc. C’est par exemple au Conseil d’entreprise que le règlement de travail est élaboré et approuvé. C’est avec la DS que la Convention collective de travail de l’entreprise est négociée. 

« Officiellement, on fait de la concertation dans ces organes, mais, dans les faits, on établit un rapport de force permanent avec le patron, explique un délégué. Pratiquement chaque réunion est l’occasion pour le patron de se plaindre de ceci ou cela : le chiffre d’affaire, les retards, les malades, la concurrence internationale, le coût du travail… Heureusement, nous préparons bien nos réunions avec l’équipe syndicale et le petit jeu du management fait souvent peu d’effets. »

Le mandat de délégué est cependant plus large : « Une fois que tu es délégué, les gens te voient comme leur représentant, raconte une déléguée. Et ils attendent que tu agisses comme tel, peu importe qu’on soit élu dans tel ou tel organe. Nous devons intervenir et aider dans plein de domaines différents. Que ce soit par rapport à des problèmes d’entreprises ou à des problèmes plus vastes ou la lutte contre les mesures du gouvernement. C’est aussi parmi les délégués qu’on choisit ceux qui vont nous représenter dans les instances syndicales. » 

Comment se passent les campagnes électorales ? 

« Les élections sociales n’ont rien à voir avec des élections classiques, indique un délégué. Ici, on ne fait pas de promesses en l’air ou de campagnes coûteuses. La plupart du temps, les travailleurs connaissent très bien les gens pour qui ils doivent voter. Ils sont sur le terrain avec eux, les ont vu à l’œuvre pendant quatre ans et savent ce qu’ils valent. Ce n’est pas comme ces politiciens qu’on ne voit que pendant les campagnes électorales. »  

Et il ajoute : « On essaye aussi de sonder les travailleurs pendant la campagne, pour mieux connaître leurs préoccupations, mais aussi pour leur demander ce qu’ils pensent de notre travail comme délégation, ce qu’on devrait améliorer… » 

Les syndicats eux-mêmes ont une attitude proactive afin de stimuler la démocratie et la participation du plus grand nombre. CSC et FGTB ont ainsi mis sur pied des sites Internet sur lesquels les affiliés peuvent trouver toute une série d’outils pour organiser des élections, se former sur certains thèmes, mieux connaître et comprendre le fonctionnement des élections sociales et leur importance. Par ailleurs, les syndicats mènent une campagne sur le terrain en vue de proposer aux affiliés de se présenter comme candidats. Car les élections sociales ne sont pas l’affaire d’une minorité de syndicalistes, mais bien un enjeu qui concerne tous les travailleurs. 

Il y a encore du travail 

Malheureusement, le monde politique et le patronal ont, malgré leurs promesses (voir ci-contre), toujours bloqué pour que seules les entreprises de plus de 50 travailleurs organisent ces élections. Aussi, le caractère démocratique de ces élections pourrait encore être renforcé, notamment en appliquant la revendication syndicale de baisser ce seuil à 20 travailleurs. Cela donnerait une voix à des des centaines de milliers de travailleurs qui aujourd’hui sont privés de toute représentation.

D’autre part, une meilleure protection des délégués contre les licenciements abusifs pourrait être mise en place. Aujourd’hui, un patron qui met le paquet sur le plan financier peut licencier un délégué et ne jamais le réintégrer. Même si ce licenciement est abusif. 

Les élections sociales en chiffres

Près de 7000 entreprises concernées 
Plus de 130 000 candidats
62 000 mandats de délégués
1,5 million de travailleurs inscrits
Plus de 70 % de taux de participation 

Un peu d’histoire

Les élections sociales sont nées après la Seconde Guerre mondiale. La peur du communisme et l’engagement du monde du travail dans la résistance ont forcé le monde patronal à faire une série de concessions aux travailleurs. 

C’est de là que vient ce qu’on appelle le Pacte social de 1944. On peut y lire, entre autres : « Dans une entreprise d’au moins 20 travailleurs salariés, il sera constitué une délégation du personnel. » Ou encore : « Les employeurs respectent la dignité des travailleurs et mettent leur honneur à les traiter avec justice. Ils s’engagent à ne porter, directement ou indirectement, aucune entrave à leur liberté d’association ni au développement de leurs organisations. » 

Il s’agit là d’une très grande avancée, car, jusqu’alors, le monde patronal avait tout fait pour qu’aucune forme d’organisation des travailleurs ne puisse voir le jour dans les entreprises. Après la signature du pacte, il a toutefois fallu attendre encore quatre ans pour que la première loi organisant les élections sociales dans les entreprises soit votée. Les premières élections ont eu lieu en 1950 dans les entreprises d’au moins 200 personnes. Ce chiffre fut abaissé à 100 et 50 pour les élections au CE et au CPPT. 

Les premières élections sociales concernaient un peu plus de 500 000 travailleurs. Aujourd’hui, elles touchent plus de 1,5 million personnes. 

Article publié dans le mensuel Solidaire de janvier 2016. Abonnement.