Les voyageurs, le personnel ferroviaire et le climat ne doivent pas être les victimes de la crise du coronavirus

Les transports publics ont participé à maintenir le pays à flot durant la crise du coronavirus. Les services publics ont fait ce que le marché ne peut pas faire. Mais le coronavirus est aussi un coup dur pour la SNCB, déjà fortement sous-financée. Alors que le gouvernement, sans aucune concertation, propose un Rail Pass gratuit pour tout le monde, la FEB demande la libéralisation de la SNCB.

SNCB, Infrabel, De Lijn, STIB, TEC. Les compagnies de transport et leur personnel ont répondu présent pendant la crise du coronavirus. A la SNCB et chez Infrabel on a parlé d'un « Service ferroviaire d'Intérêt National ». Plus de la moitié des trains, des bus, des trams et des métros ont continué à circuler, permettant ainsi les déplacements essentiels. C'est la force des services publics : ils sont là pour la société, également dans les moments les plus difficiles d'une crise.

Cependant, avec un taux d'occupation moyen inférieur à 10 %, les pertes se sont accumulées. La SNCB perd chaque mois jusqu'à 70 millions d'euros, soit environ 200 millions après trois mois de crise sanitaire. Chez Infrabel, les pertes sont plus limitées : depuis le 4 mai, 97 % trains ont été remis en circulation à la SNCB. Celle-ci doit donc payer une redevance à Infrabel pour utiliser le rail et y faire rouler ses trains aux trois quarts vides. Les pertes du TEC, De Lijn et de la STIB s'élèvent également à plusieurs dizaines de millions.

Le gouvernement prendra-t-il ses responsabilités et refinancera-t-il les chemins de fer, ou poussera-t-il la SNCB encore plus loin dans ses difficultés financières ?

Au niveau du gouvernement, il a été décidé d'accorder un Rail Pass de 10 voyages) gratuit à tous les citoyens. Sûrement très sympa : même les libéraux se rendent compte que la gratuité des transports publics attire de nouveaux voyageurs. Si l'objectif est d’attirer plus de personnes vers les transports en commun, c'est une bonne mesure. Mais il semble que le gouvernement n'ait consulté ni la direction de la SNCB ni le personnel des chemins de fer sur cette question. Aussi la réaction de colère des syndicats et de la direction ne s'est-elle pas fait attendre. Car cette décision pose divers problèmes. Quelles sont les mesures prévues pour assurer la sécurité des voyageurs et du personnel ? Comment ce Rail Pass gratuit sera-t-il financé ? Le gouvernement va-t-il prendre ses responsabilités et refinancer le service public ? Ou bien cette mesure va-t-elle plonger la SNCB dans des difficultés financières encore plus grandes ?

La FEB appelle à la libéralisation

Du côté des employeurs aussi, des préparatifs sont en cours pour l'après-corona. Le lobby patronal de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) a présenté le 2 juin son « plan de relance 4x4-Turbo ». Entre les propositions de marchandisation de l'économie et de flexibilisation des conditions de travail, l'avenir de la SNCB est également abordé. Les chemins de fer belges doivent être « flexibles dans un secteur libéralisé ». « Il faut pour cela des méthodes de travail simples et des modalités de travail performantes », selon la FEB.

La FEB n'a-t-elle donc rien appris de la crise du coronavirus ? Au Royaume-Uni, depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement a dû reprendre le contrôle et refinancer de toute urgence le transport ferroviaire libéralisé, sinon les trains auraient cessé de circuler.

Ce sont précisément les services publics qui ont maintenu la société à flot pendant la crise.

Ce sont précisément les services publics qui ont maintenu la société à flot pendant la crise. Un plan de relance économique doit principalement se concentrer sur la réévaluation des services publics et sur des investissements dans des infrastructures publiques et des entreprises publiques solides.

Le calme avant la tempête ?

En Belgique, on entend très peu parler du financement des pertes des sociétés de transport public. Or la situation est grave. Tant qu'il n'y a pas de perspective d'un retour en nombre des voyageurs d'avant la crise du coronavirus, la situation s'aggrave de jour en jour.

La députée du PTB, Maria Vindevoghel, a donc interpellé le ministre de la Mobilité Bellot : « faudra-t-il en tant que gouvernement fédéral,fournir des ressources supplémentaires pour garantir le futur bon fonctionnement de la SNCB ? » Le PTB relance ainsi ce débat nécessaire à l'heure actuelle.

Car des rumeurs inquiétantes circulent déjà sur le terrain. La SNCB envisagerait un gel du recrutement pour une série de métiers du rail, avec de graves conséquences sur l'emploi, le service et la situation du personnel des chemins de fer (charge de travail, congés, ...). L'atelier TGV de Forest, où sont entretenus les trains à grande vitesse, pourrait être affecté par la baisse estimée à 40 % du trafic ferroviaire international.

Le personnel des chemins de fer et les voyageurs pourraient également être à nouveau menacés par certains projets déjà élaborés par les directions avant la crise, mais qu'elles n'avaient pas encore pu mettre en oeuvre. Il suffit de penser à la menace d'Infrabel de fermer 13 lignes ferroviaires en zone rurale, à de nouvelles fermetures de guichets, à une hausse des tarifs, à la fin de la semaine de 36 heures pour les cheminots ou au démantèlement de leur statut, à l'assouplissement des horaires de travail (travail de nuit dans les ateliers, services interrompus aux guichets, début de service dans le train pour les conducteurs, services de 12 heures dans les cabines de signalisations,...) etc. Autant de propositions qui diminuent la qualité du service et sont dangereuses pour la sécurité ferroviaire.

De solides débats chez nos voisins

La DB économisera 2 milliards d'euros sur le matériel et le personnel. Voilà comment donc on remercie le personnel pour ses efforts pendant la crise.

Le gouvernement allemand n'a pas tardé à proposer un plan d'aide à la Deutsche Bahn (DB). La compagnie ferroviaire, qui est entièrement détenue par le gouvernement allemand, enregistrerait des pertes de 11 à 13,5 milliards d'euros sur la période 2020-2024. C'est pourquoi le gouvernement vient à la rescousse de la DB avec 6,9 à 8,4 milliards d'euros de soutien. Par ailleurs, le plafond de la dette sera relevé. Toutefois, qu'en est-il de la partie des pertes qui ne sera pas comblée ? C'est bien là que le bât blesse. La DB économisera 2 milliards d'euros sur le matériel et le personnel. Voilà comment donc on remercie le personnel pour ses efforts pendant la crise.

Aux Pays-Bas, on estime que le nombre d'usagers des transports publics ne retournera pas au niveau précédant la crise du coronavirus avant 2025. En 2021, le recul serait encore de 50 %. En conséquence, la perte de la compagnie ferroviaire NS est estimée à 4,7 milliards d'euros pour les années à venir. Le conseil d'administration de la NS veut économiser 1,4 milliard d'euros en investissements et en personnel sur 5 ans. En outre, on veut profiter de la situation pour rendre l'organisation « souple et flexible », ce qui concerne bien sûr les conditions de travail.

Les chemins de fer français enregistrent déjà une perte de 2 milliards d'euros. La direction de la SNCF demande le soutien du gouvernement et annonce qu'elle veut supprimer des emplois : « Si la reprise est lente et que moins de trains circulent qu'auparavant, il ne sera ni anormal ni illogique d'adapter l'emploi au volume d'activité » a déclare le patron de la SNCF, M. Farandou, sur France Inter.

Refinancement des transports publics par une taxe corona

Le meilleur remède contre la crise actuelle du nombre de passagers est de continuer à investir et à développer l’offre. Nous ne pouvons pas attendre pendant cinq ans le retour de la situation pré-corona avant de réfléchir à la suite.

Les organisations TrainTramBus, Interenvironnement Wallonie et d'autres ont développé un plan de transport ambitieux pour 2035 : le projet Integrato (www.integrato.be). Un projet ambitieux avec une vision nationale à long terme pour doubler le nombre de voyageurs dans les transports publics. Le moment est venu effectivement de réfléchir à l'avenir des chemins de fer dans notre pays et, en fonction de cela, de mettre en route des chantiers pour de nouvelles lignes, gares et du nouveau matériel roulant. Investir et créer de l'emploi est le meilleur moyen de sortir de la crise économique.

Après la crise bancaire de 2008, ce sont les salariés, les indépendants, les retraités et les services publics qui ont payé les conséquences économiques. Cela ne peut pas se produire à nouveau. La grande majorité de la population estime que cette fois-ci, c'est aux multimillionnaires de faire une contribution de solidarité. Avec une modeste taxe corona de 5 % sur les fortunes supérieures à 3 millions d'euros, nous pouvons recueillir 15 milliards d'euros pour revitaliser l'économie et, entre autres, refinancer les services publics.

Maria Vindevoghel : « Faisons en sorte que la SNCB et Infrabel redeviennent une seule entreprise ferroviaire.»

Le politique et les conseils d'administration des chemins de fer et des entreprises de transport régionales - qui sont liés à la politique - réclameront des économies. Les économies proposées par la députée fédérale du PTB, Maria Vindevoghel, sont des économies sur la structure et les directions : « Faire en sorte que la SNCB et Infrabel redeviennent une seule entreprise ferroviaire. Non seulement, c'est moins cher, mais aussi plus efficace. Et surtout, investir dans un système de transport public solide avec une réseau dense ».