Quand le grand patron Fernand Huts veut expliquer aux femmes ce qu'elles doivent faire (ou pas)...

L'homme ne serait bon qu'à entreprendre et la femme le détournerait de son but à cause de son envie de passer du « bon temps ensemble ». Voici la vision du monde du grand patron Fernand Huts qui a choqué beaucoup de femmes et d'hommes en Flandre ces derniers jours. Décryptage de cette vision archaïque de la femme... et de l'homme.

Fernand Huts est le grand patron de Kateon Natie, un opérateur portuaire présent dans 28 pays. Fernand Huts a fait parler de lui, entre autre, lorsqu'il a fait installer des dizaines d’hectares de panneaux solaires sur ses entrepôts dans le port d’Anvers. Ça lui a rapporté 13,4 millions d’euros de subsides par an. Subsides pour lesquels le citoyen ordinaire a dû payer. Cette fois, c'est pour une autre affaire qu'il fait la Une. 

Dans Trends/Tendances, il a déclaré : « Dans le passé les femmes laissaient plus d'espace à leur mari pour entreprendre mais elles sont devenues de plus en plus exigeantes. L’homme doit dorénavant participer aux tâches ménagères, rester à la maison, faire des citytrip, aller aux sports d’hiver et de préférence prendre des congés à carnaval, à Pâques, en été, à la Toussaint et entre Noël et Nouvel an. Le “quality time together” (les bons moments ensemble) passe avant le fait de gagner de l'argent. Navré, mais ce n'est pas ça qui va faire avancer le monde. C'est quoi, en somme, le “quality time” ? Ensemble, traverser la ville en calèche et manger une gaufre sur la plage ? La précédente génération de femmes s'est féminisée dans la misère : mari, enfants, travail, ménage, vie amoureuse, bâtir, épargner pour la pension, etc. Toutes, elles le faisaient sans problème. L'actuelle génération de femmes veut un “homme nouveau”, quelqu'un qui doit faire tout un tas de choses dont il n'a pas la moindre idée. »

Pour Fernand Huts, le progrès, c'est le retour au passé. Le culturel et le social n'ont aucune utilité dans la mise sur pied d'une société forte, seul l'argent peut y arriver. Pour lui, le ''quality time'' serait une expression inventée par les femmes, des créatures diaboliques juchées sur de hauts talons. Mais en réalité, qui en profite ? Seulement le 1 %. Si tout le monde vivait comme Huts, en tirant parti du travail d'autrui, des subsides d'autrui, nous ne connaîtrions que la stagnation. Huts se sent infiniment supérieur à n'importe quel travailleur et il le dit sans vergogne. Car le « quality time », c'est quoi, en fait ? Le droit à 8 heures de repos, le droit de se détendre, d'avoir une vie sociale, le droit à la créativité. Un droit dont Huts, manifestement, entend priver les travailleurs.

Avec son exposition « Voor God & Geld » (« Pour Dieu et l'Argent », jusqu'au 1er janvier 2017, au Couvent des Carmes de Gand), Fernand Huts ne cache en aucune façon ses sources d'inspiration et encore moins ses aspirations conservatrices de retour au « bon vieux temps » : le retour de l'oppression par la religion, par le 1 % et, de plus, maintenant, l'oppression de la femme par l'homme. Imaginez que les femmes veuillent réaliser elles-mêmes quelque chose. Ne peuvent-elles pas tout simplement se contenter de faire leur vaisselle ou de tricoter ? Décrocher un diplôme ? Entreprendre ? Et quoi encore ? Vous feriez mieux d'apprendre à cuisiner, leur conseille Fernand Huts.

Heureusement, les hommes plus actuels sont plus évolués que ne le pense ce dinosaure de Huts. La plupart des hommes que nous connaissons veulent que leur femme soit heureuse, qu'elle choisisse elle-même ce qu'elle fait et ces hommes ont de l'intérêt pour leur famille. Il y en a même beaucoup qui insistent eux-mêmes pour pouvoir bénéficier d'un allongement du congé de paternité. Ne pas laisser à sa femme la moindre latitude de vivre sa propre vie et préférer ne pas perdre son temps à ses côtés, comme Huts le préconise, voilà bien qui frôle la maltraitance psychologique.

On entreprend trop peu et Fernand Huts estime que c'est la faute à la femme moderne. Peut-être ferait-il mieux d'aller voir un peu le genre de politique que l'on mène aujourd'hui et quelles sont les conditions de travail de nombreux travailleurs. Pour être créatifs et novateurs, les gens ont besoin d'oxygène. Quand on les oblige à travailler de plus en plus longtemps, de plus en plus dur et avec plus de flexibilité encore, ils finissent par être complètement épuisés. Si nous regardons la Loi Peeters qui se trouve sur la table aujourd'hui, elle représente déjà le quotidien d’une grande partie des travailleurs. Essayez donc de trouver des idées créatives pour lancer une affaire quand vous n'avez que le temps de vous affaler sur un fauteuil en rentrant chez vous à dix heures du soir.

Le progrès réside dans un monde où les femmes sont plus que des mères, où règne l'équivalence, où il existe de l'espace pour l'épanouissement et le plaisir. Où il y a une saine répartition entre les conjoints. Où il y a de l'espace pour la créativité. Un monde dans lequel il y a assez pour tous, de sorte que l'existence soit bien davantage que le travail et l'argent uniquement. Un monde du travail qui n’est plus conçu à la mesure du riche homme blanc. Un monde où les droits acquis ne sont pas sans cesse remis en question. L'émancipation, le féminisme, les droits à une réduction du temps de travail pour en arriver à une meilleure combinaison travail-famille, voilà les idées de demain.

Au lieu de regarder en arrière avec nostalgie vers un passé où une partie des femmes restait bravement assise à tricoter au coin de la cheminée, pendant que les hommes se tuaient au boulot durant des 45 ou 50 heures par semaine, il est temps d'instaurer une politique moderne du monde du travail. Que Huts le veuille ou non, les femmes ont toujours eu une place sur le marché du travail et elles n'en disparaîtront pas.