




L’enjeu démocratique est crucial dans le cadre des négociations climatiques. Si les multinationales ont gagné leur place à la table des négociations, les mouvements citoyens, eux, sont de plus en plus mis sur la touche par les autorités.
Il en faut beaucoup pour que les Diables rouges quittent le terrain au beau milieu d’un match. Pourtant, le 7 juin 2014, peu après la 23e minute du match contre la Tunisie, ce n’avait plus été tenable : des grêlons de la taille de balles de golf tombent par wagons entiers sur la pelouse du Heysel. À 80 kilomètres de là, à Wingene, on aurait dit que le ciel a dégringolé sur terre. La commune d’une dizaine de milliers d’habitants est l’épicentre de ce qu’on appellera désormais pour de bon la tempête de la Pentecôte. En un rien de temps, les serres volent en éclats, des hectares de cultures sont détruits et toutes les voitures dans les environs subissent des dégâts de carrosserie et de bris de vitres.
La tempête de Pentecôte, voilà bien le genre de temps auquel nous devons de plus en plus nous attendre au fur et à mesure que la terre se réchauffe. Cela peut sembler paradoxal, mais, outre des vagues de chaleur, des sécheresses ou la hausse du niveau des océans, le changement climatique nous réserve également de plus en plus de mauvais temps. Aujourd’hui déjà, en Flandre, le nombre de journées à fortes précipitations a doublé.
On a dit et écrit beaucoup de choses sur le changement climatique, mais, aujourd’hui, il est bel et bien là. La température moyenne en Belgique a déjà augmenté de plus de 2 degrés, par rapport au niveau préindustriel, avec comme conséquence davantage de vagues de chaleur et des journées tropicales. Il pleut plus et il neige moins. Et le niveau de la mer ? Eh bien oui, il a monté de près de 12 centimètres. Le changement climatique n’est pas devant notre porte, il est déjà entré et il s’accroche. La tempête de Pentecôte nous a laissé des voitures cabossées, mais, lors des fortes tempêtes du début octobre dernier sur la Côte d’Azur française, des voitures ont été entraînées dans la mer. 17 personnes sont mortes, dont trois personnes âgées noyées au moment où leur chambre s’est retrouvée sous eau.
Cependant, ce n’est que dans les pays qui en sont le moins responsables que le changement climatique revêt des proportions catastrophiques. Le typhon Haiyan aux Philippines a été l’une des plus violentes tempêtes connues à ce jour. 673 000 personnes sont restées sans logis après son passage qui, par endroits, avait des allures de tsunami. Les estimations divergent quant au nombre de personnes qui ont déjà fui le changement climatique, mais on parle déjà certainement de dizaines de millions de réfugiés climatiques.
Si le réchauffement de la terre suit son cours actuel, notre environnement va considérablement changer. Certains rêvent peut-être de palmiers à la mer du Nord, mais la dure réalité, c’est que le littoral ne sera plus là où il se trouve aujourd’hui. Quand toutes les glaces du Pôle Nord auront fondu, nous risquons une montée du niveau de la mer d’au moins sept mètres.
Ostende ne serait plus la référence de station balnéaire, mais bien un « Anvers-sur-mer »…
« Changeons maintenant, avant que le climat ne change tout », écrit la militante climatique et journaliste Naomi Klein dans son livre Tout peut changer. En effet, le fait que le changement climatique est la conséquence des activités humaines présente un avantage : nous pouvons y faire quelque chose. Mais, pour cela, indique encore Naomi Klein, nous allons devoir revoir complètement notre organisation sociale et, surtout, notre économie.
La Belgique doit réduire de 8 à 10 % ses émissions de gaz à effet de serre chaque année. C’est plus que ce nous avons fait en quatre ans (de 2008 à 2012) sous le protocole de Kyoto, et encore, la crise économique et de l’achat de millions de tonnes d’air propre sur les marchés des émissions ont bien aidé. Oui, il faut agir dès maintenant. Autrement, nous courons le risque de ne plus pouvoir maîtriser du tout le réchauffement de la Terre.
2015 a toujours été présentée comme une année charnière par les scientifiques : ce devait être l’année où, pour la première fois, les émissions de gaz à effet de serre devaient baisser à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, rien n’est moins vrai, malgré tout ce qui a été convenu au niveau international. En 1992, tous les pays qui s’étaient réunis au tout premier sommet climatique de Rio de Janeiro avaient promis solennellement de mettre tout en œuvre pour « en arriver (...) à une stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau empêchant une dangereuse influence humaine sur le climat ». Depuis lors, les Nations unies organisent chaque année une réunion des signataires de la convention de Rio : la COP, la Conférence des Parties. Des réunions comme celles de Kyoto, Copenhague ou Varsovie font peut-être retentir la sonnette, mais il ne fait pas de doute que la COP la plus cruciale de toutes va démarrer dans quelques jours à Paris : la 21e COP, le sommet de Paris.
La COP21 dans la Ville Lumière est une seconde raison pour laquelle 2015 devait être une année charnière. Le protocole de Kyoto, le premier traité à avoir imposé des réductions d’émissions à une bonne partie des pays du globe, se terminait en 2012. Quand l’accord a été prolongé, plusieurs pollueurs importants n’ont pas répondu. Le Canada avait désormais ces ambitions climatiques en sainte horreur, depuis qu’il investissait à fond dans l’exploitation des sables bitumineux. Au Japon, ils fermaient des centrales nucléaires après la catastrophe de Fukushima, mais n’avaient pas pour autant l’intention de compenser par de l’énergie verte. Quant aux États-Unis, dès le début, ils ont été absents, ce qui fait qu’aujourd’hui, seules 15 % des émissions mondiales tombent sous le protocole de Kyoto prolongé. 85 % des émissions ne sont donc soumises à aucune contrainte. Paris est censé résoudre ce problème, avec ambition, des accords contraignants et une juste répartition des efforts.
« Ça va être une excellente COP, vraiment... », déclarait récemment Pablo Solon, négociateur climatique pour la Bolivie et coorganisateur de la Conférence mondiale des Peuples sur le changement climatique, à Cochabamba. « Ça va être une excellente COP... pour les multinationales. »
Les négociations sur le climat ont effectivement connu une évolution saisissante, depuis les déclarations ronflantes de Rio, en 1992. Cinq ans après la première assemblée au Brésil, le protocole de Kyoto était conclu : les pays industrialisés de la terre entière s’engageaient à réduire leurs émissions de 5,2 % en quatre ans. C’était un pas important dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais il y avait une fameuse anguille sous roche. Lors des négociations, Al Gore qui, à l’époque, n’était pas encore le gourou du climat qu’il allait devenir par la suite, avait insisté pour qu’il y ait plus de souplesse dans les engagements. Le système du commerce des émissions voyait alors le jour : les entreprises et les États qui n’atteignaient pas leurs objectifs pouvaient racheter leur dette climatique auprès des États ou entreprises qui se situaient en dessous de leur limite. Un choix bizarre, car l’expérience avait déjà prouvé que les mécanismes du marché sont bien moins efficaces que des normes contraignantes. Un premier virage était franchi.
Vous vous souvenez encore des pluies acides ? Il y a vingt ans, les journaux ne parlaient que de cela. Aujourd’hui, on n’en dit plus rien. Et ce n’est pas un hasard : le problème a été en grande partie résolu. Au cours des années 1990, les rejets de dioxyde de soufre, qui étaient à la base des pluies acides, ont baissé d’au moins 87 % en Europe. Les États-Unis, eux, sont restés à la traîne en réalisant une minable réduction de 31 %.1 La différence entre les deux : l’instrument politique. Aux États-Unis, on expérimentait pour la première fois à grande échelle le commerce des émissions. L’Europe, elle, optait pour une régulation classique par l’État.
Un autre exemple : le trou dans la couche d’ozone. Encore un problème dont on ne parle quasiment plus dans nos bulletins d’information. Lui aussi a été abordé de façon décidée, sur base du protocole de Montréal, lequel imposait des règles contraignantes pour les rejets de chlorofluorocarbure (CFC), responsables du problème de la couche d’ozone. Kofi Annan qualifiait le protocole d’« accord international le plus abouti à ce jour », car, aujourd’hui, la couche d’ozone est de plus en plus mince.
Mais, à Kyoto, on n’a tiré aucune leçon de ces expériences. Pour la première fois, on s’écartait des promesses de tout mettre en œuvre pour sauver la planète. Le parcours des COP négociait un sacré virage, désormais, en direction des intérêts de ceux qui voient leurs bénéfices menacés par des objectifs climatiques ambitieux.
La conférence de 2009, à Copenhague, était censée aboutir à un successeur au protocole de Kyoto. Mais, plus le sommet avançait, plus les positions étaient divergentes. Quand les dirigeants mondiaux ont atterri à Copenhague pour élaborer les toutes dernières modalités, il ne restait plus d’espoir de sortir un accord. « Vers minuit, après une petite bouffe en compagnie de la reine Marghrete II du Danemark, 20 dirigeants ont encore tenu une réunion inattendue, écrit Natalie Eggermont, présidente de Climate Express, dans son livre paru récemment. Parmi ces dirigeants, Clinton, Merkel, Sarkozy et Brown. Mais les Premiers ministres du Japon et de l’Australie, le président mexicain Calderon et le président du G77, Lumumba Di-Aping, étaient également présents. Comme ils ne se décidaient pas à en finir, le vendredi matin, ils se sont à nouveau réunis dans la petite chambre au premier étage du Bella Center, où les négociations avaient lieu. Barack Obama est arrivé, bien décidé à arriver à un accord. »2 Dans les deux heures, effectivement, il y avait un accord entre les grandes puissances : la limite de 2 degrés était mise sur papier. Discutée dans une arrière-chambre, avec comme décor l’impasse des négociations entre 196 pays. Les « parties » de la conférence n’ont même pas apposé leur signature sous cet accord, et ont été consternées quand elles en ont pris connaissance. La démocratie avait ramassé une sacrée gifle, mais on n’était pas encore au bout des surprises.
Varsovie, mi-novembre 2013. Pour la mise en route de la COP19, quelque chose surprend. Des logos très colorés sont accrochés dans la salle où les négociations ont lieu. ArcelorMittal y figure en toute fraternité à côté de l’institution climatique de l’ONU, l’UNFCCC. Emirate Airways, BMW, Opel ou Ikea : tous ont acheté leur petite place au firmament du sommet climatique. De même, les géants polonais du charbon, PGE et LOTOS, sont présents. Le sommet de Varsovie est le premier où la porte a été grand ouverte aux multinationales qui étaient autour de la table même pour l’élaboration de l’agenda des négociations.
Le déficit démocratique s’accroît. Les ONG et les militants pour le climat se le tiennent pour dit un jour avant la fin du sommet et décident de défiler dans les rues sous le slogan « Polluters talk, we walk » (Les polluent causent, nous marchons). Greenpeace, Oxfam, WWF, et même les syndicats quittent le sommet, alors que les multinationales pollueuses tiennent le crachoir. « Les gros pollueurs sont accueillis à bras ouverts et les négociations sont motivées par les intérêts des entreprises. Il n’y a pas de place pour les gens ni pour le reste de la planète », explique Magda Stoczkliewicz, directrice de Friends of the Earth3. « Au lieu de continuer à perdre du temps dans des salles de conférence, nous investissons désormais notre énergie dans la mobilisation des gens », entend-on au sein des mouvements citoyens.4 La foi en des négociations honnêtes est définitivement rompue, le mouvement pour le climat choisit de retourner dans la rue pour mettre la pression à partir d’en bas.
C’est ainsi qu’on arrive au sommet crucial de Paris. Sur le plan des sponsors pollueurs, Paris laisse Varsovie loin derrière elle. La liste des multinationales championnes du rejet de CO2 qui sponsorisent le sommet s’est encore allongée, et le financement du sommet a été multiplié par quatre. Ikea est de nouveau présent, pas gêné d’utiliser du bois en provenance à 60 % de sources non durables. Même les forêts vierges du Nord de la Russie ont été abattues pour la fabrication des armoires Malsjö ou des petites tables Svalsta.5 Le groupe Renault-Nissan fournit des voitures écologiques pour transporter un peu partout les participants aux négociations, alors que ses voitures déversent quotidiennement des quantités astronomiques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. EDF et Engie, deux grands producteurs français d’énergie, sont ensemble responsables d’émissions aussi importantes que la moitié de toutes celles de la France, mais, grâce à des dons généreux, ils peuvent utiliser pendant un an le logo du sommet climatique. Le fait que BNP Paribas est connue comme le numéro 5 mondial des banques finançant le charbon ne l’a pas empêchée d’acheter sa place à la COP.
Cependant, selon Liza Lebrun, le problème de la participation des multinationales au sommet de Paris va bien plus loin que leur compatibilité avec le climat : « Plus encore que de bénéficier du green-washing, il est clair que leur intention est d’influencer les négociations en fonction de leurs propres intérêts. Un groupe d’une quarantaine de patrons sous la direction de Gérard Mestrallet (CEO d’Engie) participera directement aux négociations de la COP21. Ces entreprises, qui ont investi des milliards d’euros dans les carburants fossiles et les technologies polluantes, veulent coûte que coûte éviter que le système actuel ne soit remis en question. »6 « En 20 ans, les multinationales sont parvenues à transformer la COP d’un organe qui aurait dû être au service du mouvement climatique en un organe qui ouvre de nouveaux marchés aux entreprises », explique Pablo Solon.
La réponse du mouvement pour le climat ne s’est pas fait attendre. Face à la croissance explosive de l’impact des pollueurs notoires, il a appelé à la plus grande marche pour le climat dans les rues de Paris. Alors que les pollueurs causent à l’intérieur, eux mettront la pression à l’extérieur. De signe de frustration, « We walk » se muait ainsi en signe de résistance. Un demi-million de personnes devaient parcourir les rues de Paris pour mettre les négociateurs sous pression. En Belgique, la mobilisation a été organisée par un groupe de jeunes militants pour le climat, unis au sein de Climate Express sous le mot d’ordre #movetheclimate. Amener 10 000 personnes au sommet climatique était leur intention. Une mobilisation sans précédent s’est enclenchée. D’Ostende à Kalmthout, des départs collectifs ont été prévus. Des communes ont affrété des autocars, des mouvements citoyens se sont serré les coudes pour enthousiasmer des gens à se mobiliser pour le climat. Les 330 places prévues pour la randonnée cycliste vers Paris étaient déjà complètes en septembre. Plus de 9 500 personnes se sont depuis inscrites dans les cars ou le train. Le 21 novembre, une équipe est même partie en kayak pour rejoindre la marche à Paris.
L’annonce de l’interdiction de toutes les manifestations en faveur du climat suite aux attentats à Paris a été une douche froide. « Bien que la crainte de nouveaux attentats terroristes soit compréhensible et qu’il soit important de prendre les mesures de sécurité nécessaires, cette décision est quand même inquiétante », écrit Anneleen Kenis, chercheuse à la KU Leuven. « Si le terrorisme est une attaque contre la démocratie, nous ne pouvons pas tomber dans le piège consistant à réduire cette démocratie au nom de la lutte contre le terrorisme. Or c’est bien ce qui se passe : alors que les actions en faveur du climat sont interdites, le marché de Noël sur les Champs-Élysées peut tout simplement avoir lieu. »7
« Les événements parallèles de la mobilisation citoyenne ne sont pas des annexes ou des distractions de l’événement principal, a réagi Naomi Klein à propos des manifestations climatiques au cours de la COP. Elles font partie intégrante du processus. »8 Les autorités françaises considèrent pourtant l’apport des citoyens au sommet climatique comme des activités périphériques. Cela suscite des questions : quelques jours après l’attentat contre Charlie Hebdo, une manifestation d’un million et demi de personnes a pu avoir lieu à Paris, mais la plus grande marche de tous les temps pour le climat est compromise. Peut-être la différence se trouve-t-elle dans le fait que, cette fois, François Hollande ne défilera pas en tête ? Pourquoi la sécurité des négociateurs du sommet et des visiteurs du marché de Noël serait-elle assurée, et pas celle des militants pour le climat ? Si l’apport des citoyens à la COP devait être réellement apprécié à sa juste valeur, ne vaudrait-il pas mieux annuler ou reporter tout le sommet, et pas simplement la marche pour le climat ?
Aujourd’hui, la COP est tout bonnement livrée aux intérêts des multinationales et des négociateurs. Mais le VW-gate n’a-t-il pas douloureusement montré à quoi la logique du profit peut mener les entreprises ? Les petits dépliants des producteurs d’électricité en Belgique sont de plus en plus verts, mais, l’an dernier, pour la première fois, la production d’électricité verte a baissé.9 Voilà ce que veut Engie, le nouveau nom de GDF Suez. Qui imaginerait Renault-Nissan exercer des pressions pour qu’il y ait plus de transports publics comme alternative aux voitures ? Que les multinationales reçoivent une place à la COP est affligeant, mais que le contre-pouvoir soit désormais interdit dans la rue, c’est carrément dangereux.
Et nos gouvernants, alors ? En Belgique, ils ne parviennent même pas à se mettre d’accord sur la répartition des efforts de la lutte contre le réchauffement climatique, pas plus qu’ils ne témoignent d’ambition à ce sujet. Lors du sommet climatique de Paris, on attend de chaque pays une proposition en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre chez lui. L’espoir, c’est qu’une fois ces propositions rassemblées, on ne dépasse pas le seuil de 2 degrés de réchauffement. Et – surprise – ce n’est pas le cas aujourd’hui. « Il faut s’attendre, une fois que toutes les contributions auront été additionnées, à ce que le seuil de 2 °C ait déjà été dépassé, écrit le MR dans sa résolution sur le climat. En soi, ce n’est pas une catastrophe, vu que l’agenda des solutions ainsi qu’un mécanisme qui doit encore être élaboré à Paris doivent faire en sorte que ce seuil ne soit pas dépassé. »10 Nos gouvernants n’entreprennent pas la moindre action, élaborent des plans absolument insuffisants, se chamaillent à propos de la répartition des efforts et se déchargent de l’affaire sur des « mécanismes qui doivent encore être élaborés ». « The time is now » (c’est maintenant qu’il faut agir), répète le mouvement pour le climat depuis des années. « Wait a minute » (Attendez un peu), lui répondent invariablement les politiques.
Il apparaît clairement que le cocktail associant les gouvernements apathiques et les multinationales polluantes ne permet pas d’espoir pour un accord climatique ambitieux, contraignant et socialement équitable. À moins qu’ils ne sentent la pression d’en bas, la pression des milliers et milliers de personnes qui se battent pour un avenir viable.
« Les mouvements citoyens assurent non seulement la base nécessaire pour une politique climatique, mais ils ont aussi rassemblé beaucoup de savoir-faire et d’idées sur la façon d’aborder le changement climatique, écrit Anneleen Kenis. Ils montrent bien que nous ne pouvons résoudre la question du climat sans la lier aux autres problèmes importants de notre époque : l’égalité sociale, la limitation de la croissance, la nécessité de freiner le libre-échange. Ils sont essentiels pour exercer suffisamment de pression afin d’en arriver à un véritable accord. »
Car, en effet, les dernières grandes victoires dans la lutte contre le réchauffement climatique ont toutes été arrachées dans la rue, par l’action des plateformes citoyennes, des syndicats, des mouvements écologistes et d’un nombre incroyablement élevé de citoyens engagés. Shell n’a cessé ses forages pétroliers dans l’Arctique qu’après de longues protestations de la part des mouvements environnementaux. Le pipeline de Keystone, qui devait acheminer le pétrole extrait des sables bitumineux du Canada aux États-Unis, a été supprimé sous la pression d’une alliance fantastique de militants pour le climat et de groupements de nations amérindiennes. Le plus gros fonds d’investissement de la planète, le fonds de pension norvégien, qui pèse 900 milliards de dollars, a plié cette année face au mouvement BDS international et a stoppé ses investissements dans le charbon.11 Des dizaines de fonds de moindre importance, d’autorités en tous genres et d’universités ont suivi. Sans l’engagement de citoyens concernés, personne n’aurait mis le doigt sur ces crimes contre le climat. Une mobilisation et de longues campagnes ont été nécessaires pour amener un changement.
La démocratie lors des négociations climatiques a toujours dû venir d’en bas. Les négociateurs des ONG et des syndicats ont rappelé lors des conférences que leur but était de maintenir le climat viable et non d’assurer les bénéfices des entreprises. Et ce n’a été que grâce à la force des masses dans la rue qu’on les a écoutés. En débarrassant la COP des manifestations gênantes, la balance penche dangereusement en direction des lobbyistes du fossile. Et ce ne sont pas que les ours polaires qui en seront les victimes. Les retombées concerneront chaque habitant de cette planète.
Pour des raisons de sécurité, la France a décidé d’interdire la marche pour le climat du 29 novembre à Paris. Vu que le sommet climatique aura bel et bien lieu, lui, la coalition Climate Express entend donner la possibilité aux citoyens aussi de faire entendre leur voix et elle cherche à organiser une manifestation alternative dans les jours qui viennent.
Plus d’informations sur www.climate-express.be.
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