Système ETS : Le gros business des multinationales sur le droit de polluer

Cinq multinationales sont responsables de plus de 20 % des émissions de CO2 en Belgique. C’est presque autant que ce que consomme l’ensemble des ménages pour le chauffage et la voiture. Malgré l’urgence climatique, les émissions de ces multinationales ne baissent pas depuis des années. Certains s’offrent même le droit de polluer… ou le revendent.

Engie-Electrabel, Total, ArcelorMittal, BASF et Exxon-Mobil ont émis à elles seules 22.6 % des émissions de CO2 en Belgique en 2020. Ce ne sont pas leurs riches actionnaires qui ont dû racler leur salon et jeter leurs meubles au mois de juillet à cause des inondations. Ce sont les travailleuses et les travailleurs, ainsi que les plus pauvres, qui sont les principales victimes de la crise climatique. L’un des principaux défis aujourd’hui est d’obliger les multinationales à transformer leur production pour la rendre neutre sur le plan climatique.

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La grande bourse aux quotas d'émissions

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne dispose d’un système d’échange de quotas d’émission (European Emissions Trading System, ou EU ETS) pour les installations industrielles. Ce système s’applique aux grandes entreprises uniquement. L’ETS couvre ainsi plus de 11 000 installations en Europe, et environ 45 % des émissions de CO2 européennes. Officiellement, il a pour objectif de réduire les émissions de CO2 des multinationales sans mettre en danger leur compétitivité.

Il s’agit d’un système « cap and trade » (littéralement : « plafonnement et échange »). Chaque entreprise reçoit un plafond qui limite la quantité de pollution qu’il peut produire (« cap ») sous forme de droits ou de quotas d’émissions. Un quota d’émissions représente le droit d’émettre un certain tonnage de CO2. Ces quotas peuvent ensuite être échangés sur un marché spécial (« trade »). Les entreprises qui restent sous le plafond peuvent ainsi vendre leurs quotas d’émission excédentaires à celles qui dépassent cette limite. 

Le plafond d’émissions attribué aux entreprises baisse chaque année. En conséquence, les quotas d’émissions disponibles sur le marché sont de moins en moins nombreux. Cette abaissement progressif du plafond est censé pousser chaque entreprise à réaliser les investissements nécessaires pour réduire ses émissions de CO2. 

Mais, en réalité, le plafond d’émissions baisse à un rythme ridiculement faible : à peine de 1,74 % par an entre 2013 et 2020, et 2.2 % depuis cette année. Par ailleurs, la crise financière de 2008 ayant provoqué une forte baisse de la production (et donc des émissions), de nombreuses entreprises ont stocké leurs quotas non utilisés pour les réutiliser plus tard ou les revendre à d’autres entreprises.

Pollueur-payeur ?

Ce n’est pas tout. Depuis l’instauration du système ETS en Europe, l’Union européenne s’est montrée très généreuse dans la distribution de quotas d’émissions gratuits. La raison : le risque de « fuite carbone ». Cela signifie que les entreprises qui verraient leur compétitivité menacée au niveau international à cause du prix des quotas d’émissions se les voient octroyer gratuitement, ou du moins en partie. Résultat : sur les 100 entreprises les plus polluantes en Europe, 90 n’ont rien ou pratiquement rien dû payer pour leurs émissions de CO2 depuis 2008.

En Belgique, ces dernières années, certaines entreprises parmi les plus polluantes ont même reçu plus de quotas d’émissions gratuits que ce qu’elles émettent réellement. Il s’agit notamment d’ArcelorMittal et de BASF. Ces entreprises peuvent revendre ces quotas gratuits supplémentaires à d’autres entreprises sur le marché. Une étude réalisées par plusieurs ONG (Bond Beter Leefmilieu, Greenpeace et Arbeid & Milieu) estime que les quotas gratuits excédentaires représentent un cadeau de 190 millions d’euros à ArcelorMittal et 28 millions d’euros à BASF entre 2013 et 2020.

Dans les faits, le principe du « pollueur-payeur » ne s’applique donc pas aux grandes multinationales. En revanche, nos gouvernements n’hésitent pas à l’invoquer pour justifier le fait de faire payer toujours plus la classe travailleuse : augmentation de la taxe déchets dans de nombreuses communes, projet de péage urbain à Bruxelles, etc.

Des normes contraignantes pour une révolution climatique sociale

La pratique des 15 dernières années le prouve : le système ETS est un échec au niveau climatique. Cela fait presqu’une décennie que les émissions des entreprises sous le système ETS ne diminuent plus.

Il est possible de remplacer le système ETS par des normes contraignantes qui seraient calculées spécifiquement pour chaque secteur, chaque entreprise, de façon à prendre en compte les particularités techniques de chacune.

Par ailleurs, si nous voulons encore contrer les pires effets du changement climatique, il est nécessaire de réduire drastiquement nos émissions, et le plus rapidement possible. Cela signifie que nous devons obliger les multinationales à transformer leur production pour la rendre neutre sur le plan climatique. Une telle transition pourrait créer de nombreux emplois. Cela nécessite des investissements massifs. Mais aussi de la volonté politique.

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