Trump et la Corée du Nord jouent à l’escalade nucléaire, le monde veut le désarmement nucléaire

Avec un nouvel essai nucléaire sous-terrain, cette fois avec une très puissante bombe à hydrogène, la Corée du Nord est passée à une vitesse supérieure dans les menaces et provocations militaires, ce qui inacceptable et extrêmement dangereux. Là-dessus, les États-Unis ont à nouveau jeté de l’huile sur le feu. Le ministre américain de la Défense James Mattis a menacé d’une réaction militaire écrasante si la Corée du Nord poursuivait dans cette voie. « Ils ne comprennent que ce langage-là », a tweeté le président Trump.

Donald Trump avait déjà promis à la Corée du Nord « fire and fury » (de la mettre à feu et à sang), et ce d’une manière « que le monde n’a jamais vue jusqu’ici ». Et on ferait mieux de le prendre au sérieux. Il avait d’ailleurs ajouté : « Mon premier ordre en tant que président a été de rénover et moderniser l’arsenal nucléaire. Il est maintenant plus fort et plus puissant que jamais. » 

Trump a déclaré cela le 9 août, date anniversaire des terribles bombardements atomiques sur Nagasaki en 1945, trois jours après Hiroshima, qui ont fait 200 000 morts. Même si la menace directe de guerre s’est récemment un peu calmée, la base de celle-ci n’a pas disparu.

La surenchère militaire du gouvernement de milliardaires de Trump s’inscrit dans l’ambition plus large d’assurer la domination mondiale des États-Unis. Les menaces de guerre qui planent sur la péninsule coréenne reflètent avant tout une tension économique de plus en plus forte entre les États-Unis (première puissance mondiale militaire et économique) et la Chine. La Chine est en train de prendre le leadership économique mondial, au détriment des États-Unis. En 1950, les États-Unis produisaient 27,1 % de la richesse du monde. Maintenant, ils ne produisent plus que 19,8 %. En 1950, la Chine produisait seulement 4,5% de la richesse du monde. Maintenant, c’est 13,6 %.

Donc, pour les États-Unis, la cible n°1, c’est la Chine. Et tous les coups sont permis. L’ex-conseiller stratégique de Donald Trump, Steve Bannon, l’a déclaré récemment : « Selon moi, la guerre économique avec la Chine, c’est la question n°1. Nous devons nous concentrer sur cette question, de façon maniaque. Si nous continuons à perdre cette guerre, nous sommes à cinq ans, dix ans au maximum, du point de non-retour.  » Le fait que Bannon n’occupe plus formellement le poste de conseiller stratégique ne change rien à cette analyse de base.

De la guerre économique à la guerre militaire ?

En février dernier, Steve Bannon avait même parlé d’une guerre ouverte, militaire, dans les mêmes délais : « Nous allons entrer en guerre avec la Chine dans les cinq à dix prochaines années. Cela ne fait aucun doute. »

Dans ce cadre, la Corée est le verrou de la Chine. Pour Trump et les siens, faire sauter ou affaiblir la Corée du Nord, c’est mettre un pied dans la porte de la Chine. La Chine est d’ailleurs depuis longtemps déjà entourée de militaires américains. En Corée du Sud, comme au Japon et dans des îles du Pacifique proches de la Chine, les États-Unis ont installé des bases militaires où des soldats américains (et de l’armement ultramoderne) sont casernés. Il y a par exemple 40 000 soldats américains stationnés en permanence au Japon et 25 000 en Corée du Sud. L’île de Guam, territoire (colonisé) américain de 160 000 habitants à 3400 kilomètres de Pyongyang, est souvent décrit comme un porte-avion permanent. Et il y a la Septième Flotte, stationnée en permanence dans cette région, avec le porte-avions USS Ronald Reagan.

Flashpoint Corée

La division de la péninsule coréenne est le résultat de la guerre de Corée, qui s’est déroulée de 1950 à 1953 pendant la période la plus chaude du conflit entre les États-Unis et l’URSS (et la Chine), qu’on appelait la Guerre froide. Malgré l’arrêt de la guerre en 1953, il n’y a toujours aucun traité de paix signé jusqu’à aujourd’hui. Depuis la fin de cette guerre, la ligne de démarcation entre les deux Corées est un des points du monde où la tension due aux changements d’équilibres sur la planète se fait le plus sentir. Malgré les efforts intermittents à la réunification du pays ou tout au moins à une entente entre Nord et Sud – au cours des années, on a connu plusieurs rencontres et déclarations conjointes entre les dirigeants de Pyongyang et de Seoul –, la situation conflictuelle reste intacte. Elle pourrait exploser dans un moment où le monde bascule politiquement et économiquement.

Les menaces des États-Unis sur la Corée du Nord sont réelles. Les menaces du gouvernement nord-coréen sur les États-Unis aussi. Les récentes activités de la Corée du Nord inquiètent. Après avoir procédé à six explosions nucléaires l’an dernier, Pyongyang a testé à deux reprises en juillet des missiles intercontinentaux. Et le président Kim Jong-un a menacé d’envoyer quelques missiles autour de l’île de Guam. Et maintenant est venu s’ajouter l’essai nucléaire sous-terrain du 3 septembre. Même si des experts comme Tom Sauer, Pr de politique internationale à l’université d’Anvers, estiment que la Corée du Nord fabrique des armes nucléaires dans un but défensif, « non pas dans le but d’attaquer mais de ne pas être attaqué », cela ne rend certainement pas le monde plus sûr.

Pyongyang se cramponne obstinément à une dangereuse politique de surenchère militaire et de confrontation nucléaire. Elle est en contradiction avec la mise en place de zones libres d’armes nucléaires, le désarmement, la démilitarisation, le dialogue et la paix. Et ce, que ce soit dans la péninsule coréenne, dans la région asiatique au sens élargi ou dans le monde en général.

L’option nucléaire, sans gêne

Mais au lieu de calmer le jeu après le signal positif nord-coréen intervenu mi-août de suspendre ses menaces sur Guam, les États-Unis ont décidé d’effectuer un immense exercice militaire d’une durée de onze jours avec plus de 50 000 soldats sud-coréens et 17 500 soldats américains. Détail piquant : les manœuvres ont reçu le nom de « Ulchi Freedom Guardian » (UFG), d’après le nom d’un général qui avait défendu un ancien royaume coréen contre... une invasion chinoise. 

Ce sont également les États-Unis et l’OTAN qui ont explicitement inscrit la modernisation et l’utilisation de l’arme nucléaire dans leur stratégie militaire. La Corée du Nord possède depuis peu l’arme nucléaire (aves 5 bombes). Les États-Unis ont plus de 6000 bombes nucléaires. L’administration Trump (comme celle d’Obama avant lui) se persuade qu’elle peut avoir assez rapidement un bouclier imperméable anti-missiles nucléaires et des armes nucléaires capables de venir à bout de n’importe quelle défense souterraine. Des sous-marins nucléaires, des avions qui peuvent porter des charges nucléaires (des B-52 et des B-2) ou des porte-avions nucléaires américains participent à des exercices annuels et semi-permanents avec l’armée sud-coréenne. Des exercices où l’équipement militaire le plus moderne du monde s’entraîne plusieurs fois par an à faire la guerre aux portes de la Corée du Nord.

Dans les revues militaires américaines, on discute ouvertement l’option nucléaire contre la Corée du Nord. On peut y lire par exemple que « les armes nucléaires tactiques sont une option pour détruire l’arsenal nucléaire de la Corée du Nord », avec un appel à redéployer des missiles nucléaires tactiques sur le sol sud-coréen (comme on en a toujours chez nous, à Kleine Brogel).

Défendre la paix, promouvoir le désarmement nucléaire

« Une destruction comme le monde n’en a jamais connu » : de quelle super-barbarie Trump parle-t-il ? Nous avons récemment assisté aux horreurs de la guerre totale des États-Unis et de l’Otan en Irak et en Afghanistan. Des centaines de milliers de morts et de blessés, des villes entièrement détruites, une société totalement disloquée. Quelques décennies plus tôt, c’était au Vietnam, une guerre que l’on ne peut oublier, aves ses images atroces de napalm et d’agent Orange. Et une guerre nucléaire aujourd’hui, ce serait Hiroshima et Nagasaki au carré. Est-ce cela, le « fire and fury » que veut Trump ?

Selon le Bulletin of Atomic Scientists (basé aux USA) qui regroupe les scientifiques (surtout américains) les plus compétents et qui prônent depuis 70 ans le désarmement nucléaire, la menace de guerre nucléaire n’a jamais été aussi grande que maintenant depuis 1953. Suivant ces éminents scientifiques, pour le monde, il n’est pas 12 heures moins 5 pour éviter une catastrophe, mais 12 heures moins 2,5.  

La décision de 122 pays (sur les 192 que compte l’ONU) de signer et de soutenir un traité de l’ONU pour le désarmement nucléaire total le 7 juillet dernier est le reflet de l’urgence nucléaire dans lequel se trouve le monde aujourd’hui. A noter que ni la Belgique ni les autres pays membres de l’OTAN n’ont à ce jour signé le traité... (voir http://solidaire.org/articles/122-pays-veulent-bannir-les-armes-nucleaires-la-belgique-refuse). 

Défendre la paix n'implique certainement pas de défendre la Corée du Nord, mais on ne peut pas non plus mettre le gouvernement des États-Unis et son pendant nord-coréen sur le même pied. Ce qui se passe en résumé ? Il y a un géant, et il y a un nain. Le géant veut écraser le nain, parce que le nain est devant la porte d’un autre géant. Chaque géant a sa vision du monde. Le géant américain veut un monde où il dirige seul, un monde unipolaire sous dominance US. Le géant chinois déclare, quant à lui, vouloir un monde où géants, petits géants, grands nains et petits nains coexistent, un monde multipolaire. Un tableau qui peut paraître idyllique et dont l’avenir nous montrera dans quelle mesure cela concorde avec la réalité.

Mais une chose est certaine : la devise de défendre la paix et de lutter pour le désarmement nucléaire est plus que jamais d’actualité.