Wallonie : « Pas un seul pas fait pour aller chercher l'argent là où il est »

17 octobre, journée de lutte contre la pauvreté. C'est le jour que Paul Magnette a choisi pour présenter ses orientations budgétaires au Parlement wallon. Un budget qui ne répond en rien à l'urgence sociale. Voici la déclaration de Frédéric Gillot, député wallon du PTB.

« Les Wallons ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.

Ce n’est pas juste le PTB qui le dit, mais l’IWEPS, organisme officiel de la Wallonie. (IWEPS, Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, NdlR)

Une famille sur 15 n'arrive plus à payer ses factures d'électricité.

Que disait l’IWEPS encore vendredi matin ?

Le nombre de wallons en règlement collectif de dettes a augmenté de 85 % en 10 ans.

Et une famille sur 15 n'arrive plus à payer ses factures d'électricité.

La dernière enquête de Solidaris va dans le même sens :

40 % des travailleurs assurent avoir des difficultés à boucler leur fin de mois et à plus forte raison d'épargner. La catégorie des travailleurs pauvres augmente sans cesse. Travailler ne protège plus de la pauvreté, car de plus en plus d'emplois sont précaires et de mauvaise qualité.

De notre côté, nous pouvons l'affirmer car c'est aussi exactement ce que nous vivons, au quotidien, dans notre pratique sur le terrain, parmi les travailleur avec ou sans emploi, parmi les allocataires sociaux, parmi les jeunes, les pensionnés ,les démunis et les plus précarisés. L'augmentation de la facture sur les poubelles ou sur le prix de l'eau, par exemple, les impactent très durement.

En cette journée mondiale de lutte contre la pauvreté, à l'heure où le RWLP manifeste à Namur, il faut encore et sans arrêt le rappeler et mettre tous les moyens pour combattre cette pauvreté croissante.

La redevance TV : toujours pas supprimée

Ce n’est donc pas pour rien que le PTB a choisi de faire campagne pour la suppression de la redevance télé. Parce que cette taxe d’un autre âge est antisociale, illogique et injuste.

Combler le trou budgétaire à travers une taxe forfaitaire : c’est aux antipodes de toute logique de justice sociale. On ne peut pas à la fois prétendre être le grand défenseur de la sécurité sociale et promouvoir des taxes forfaitaires qui en sont la négation.

C’est dans cet état d’esprit que les membres du PTB ont circulé dans toute la Wallonie ces derniers mois pour récolter 24.000 signatures, que nous sommes venus déposer au gouvernement fin septembre.

Aller chercher l’argent là où il est : c'est pour quand ?

Nous voulons que cette redevance soit supprimée.

Et nous voulons aussi qu’elle ne soit pas remplacée par une autre taxe tout aussi injuste.

Le gouvernement a besoin d'argent et c’est bien normal vu les immenses défis sociaux et environnementaux devant lesquels nous sommes.

Mais qu’il active la richesse de ceux qui en ont !

Récemment encore, le ministre Marcourt est allé parler à l’assemblée de l’Union wallonne des entreprises.

Nous sommes allés les écouter, lui et les patrons réunis dans la salle.

La Wallonie a le pouvoir d’activer des richesses sur son propre territoire.

Car oui, être député offre l’avantage de laisser traîner ses oreilles là où les simples travailleurs n’ont pas le droit d’être.

Et, fort intéressant, nous avons entendu le président de l’Union wallonne des entreprises déclarer ceci : « Ce n’est pas l’argent qui manque en Wallonie, ce sont les idées ».

Autour de moi, je vois beaucoup de travailleurs, avec ou sans emploi, qui sont bourrés d’idées, mais qui, eux, manquent d’argent et de perspectives.

La lutte des classes n'est pas morte, loin de là, elle est pleinement d'actualité.

La classe sociale des plus riches, le 1%, continue à amasser des dividendes.

Il est fort bien d’avoir rejeté le CETA, c’est un signal fort lancé vers des multinationales arrogantes.

Et il est clair que leurs représentants l’ont fort peu apprécié.

Mais la Wallonie n’a pas seulement le pouvoir de bloquer le CETA.

Elle a aussi le pouvoir d’activer des richesses sur son propre territoire.

C’est comme ça qu’il faut financer la suppression de la redevance télé et pas autrement.

Le PTB soutient la proposition de relever les additionnels de l'impôt des personnes physiques sur les revenus supérieurs à 120 000 euros par an, c’est-à-dire les 2 % les plus riches des Wallons.

Le PTB propose également de revoir le régime des droits de donations des biens mobiliers en y introduisant la progressivité pour cibler les plus fortunés qui profitent d’une fiscalité extrêmement avantageuse.

Or force est de constater qu’en plus de deux ans de mandat, pas un seul pas n’a été fait dans ce sens. Pas un seul pas.

Je ne parle pas des déclarations, je parle des actes, des décisions, de toutes les choses tangibles qui sont les seules qui intéressent les gens.

Une nouvelle taxe : l'assurance autonomie

Au lieu d’aider les gens, vous les enfoncez.

Non seulement, pas un seul pas n’a été fait en ce sens, mais en plus, le gouvernement wallon ose introduire une nouvelle taxe, d’un montant équivalent à celle de la RTV.

Je parle de l’assurance autonomie.

Je sais bien, vous me répondrez qu’il s’agit d’une cotisation et non d’une taxe.

103 millions vont être pompés dans la poche des Wallons pour cette assurance autonomie, ce sont vos propres chiffres. La redevance télé, c’est 116 millions.

Montant équivalent et qui s’accumulent donc.

Au lieu d’aider les gens, vous les enfoncez.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de besoins dans le secteur des aides et des soins à domicile ?

Qu’il ne faut pas soutenir les personnes handicapées ou les personnes âgées ? Bien sûr que si.

Mais pas en mettant ça sur la tête de leurs voisins.

Un prélèvement forfaitaire n’est jamais gage de plus de justice sociale.

Le service public sous pression

Sans moyens et sans personnel suffisant, l’administration ne fonctionne pas dans l’intérêt des gens.

Vous omettez de le répéter aujourd’hui, et je le comprends, mais vous avez déclaré dans la presse, après le conclave budgétaire, que faire porter les efforts sur l’administration est la moins mauvaise des options et que c’est donc, je cite « dans l’intérêt de tous ».

Dire que ça n’impactera pas le citoyen, c’est comme dire que les majorités précédentes ont gaspillé à tour de bras.

Mais c’est un autre retour que j’ai des travailleurs du service public : sans moyens et sans personnel suffisant l’administration ne fonctionne pas dans l’intérêt des gens. Quand on voit la piètre qualité des transports en commun, le taux de burn-out au FOREM, la fraude à l’OWD, c’est dévastateur de prétendre que de nouvelles coupes seront sans conséquence pour la population.

Investir… pour d’autres scénarios Caterpillar ?

Vous vous félicitez aussi de privilégier les investissements.

Bien sûr, il faut investir.

Mais cela devient un mot vide de sens, si les investissements consistent en des cadeaux aux entreprises sans contrepartie pour l’emploi.

L’expérience Caterpillar aurait pu être le point de départ d’une nouvelle stratégie de développement économique. Mais vous préférez l’interpréter comme la consécration du Plan Marshall, qui n’a pas fait ses preuves en termes de création d’emploi.

Voici donc l’ADN du gouvernement wallon: l’incertitude pour le service public, les communes, la formation et les PME, mais des cadeaux sûrs et certains aux entreprises.

Tout ça se fait, rappelons-le, sans aucune conditions de création d’emplois.

Sans conditionnalité stricte des aides à de la création d’emplois stables et de qualité, celles-ci sont autant de cadeaux qui vont directement augmenter les dividendes.

En un mot comme en cent, l'urgence sociale est de plus en plus criante, présente au quotidien de centaines de milliers de wallons et vous ne la rencontrez pas.

Aller chercher l'argent là où il est : cela doit être le sens de votre réforme fiscale, qui n'en finit pas de se faire attendre. »