Yves Lambot (CNE) : « Les grèves se poursuivront jusqu'à ce que nos revendications soient satisfaites »

« Parfois, un travailleur demande à une collègue plus jeune pourquoi elle n'a rien mangé de toute la journée. C’est parce que les nouveaux doivent tout payer de leur propre poche et que leur salaire fixe est bien plus bas. » Le syndicaliste Yves Lambot explique la grève chez Ryanair.

Yves Lambot est secrétaire permanent du syndicat des employés CNE à Charleroi et, depuis des années, il s'engage en faveur de meilleures conditions de travail pour le personnel de Ryanair. Nous l'avons rencontré le 9 août, la veille de la grève des pilotes de Ryanair. Il aurait dû être en vacances. « Mais c'est un combat si important ! »

Comment tout a commencé

« Quand Ryanair est arrivé à Charleroi, les travailleurs ont été prévenus que les syndicats n'y étaient pas les bienvenus. Une menace qui pouvait avoir son poids. Aussi a-t-il fallu attendre quelque temps avant que les premiers travailleurs ne se fraient un chemin vers le syndicat. Rien n'était juste, dans leurs salaires : argent des congés payés non versé, idem pour les primes de fin d'année, etc. Nous nous sommes d'abord rendus au tribunal du travail de Charleroi. Là, nous n'avons pas obtenu gain de cause, mais bien un peu après, au tribunal du travail de Mons. Cette victoire nous a donné de l'espoir. Car le fait que pas mal de choses ne tournent pas rond à Ryanair est clair aujourd'hui. Dès le début, nous avons pensé “européen”, parce que l'entreprise est elle aussi organisée à l'échelle européenne et, qui plus est, elle se sert abusivement des différences fiscales entre les pays. Notre but était donc la Cour européenne mais, avant d'y arriver, nous avons d'abord dû présenter les choses en cassation. Une très longue voie ! Et, finalement, début 2017, nous sommes parvenus à décrocher une importante victoire pour toute l'Europe. Le juge a confirmé que le tribunal du pays d'embauche était compétent en cas de conflit du travail. Il nous a donc donné raison quant au coeur même de notre affaire. Car, chaque fois, Ryanair applique le droit irlandais, plus laxiste, au lieu du droit belge, allemand, etc. »

Yves Lambot poursuit : « Ryanair abuse de son pouvoir. A Charleroi, 5 000 personnes travaillent dans l’aéroport ou autour. En tant que syndicat, nous donnons toujours la priorité aux conditions de travail et, à Ryanair, elles ne sont pas bonnes du tout. Depuis 2012, les nouveaux contrats n'ont fait que régresser. Parfois, un travailleur plus ancien demande à une collègue plus jeune pourquoi elle n'a rien mangé de toute la journée. Cela vient du fait que les nouveaux collègues doivent tout payer de leur propre poche et que leur salaire fixe est bien plus bas. Il se peut qu'un mois, on gagne 1 800 euros et, le mois suivant, 800 seulement. D'autres collègues sont encore plus mal lotis, car ils travaillent pour un des deux sous-traitants, Crewlink et Workforce, et dans des conditions de travail pires encore. »

De Lisbonne à l’Europe

« Quand les travailleurs et les syndicats ont commencé à s'organiser, les circonstances étaient particulièrement difficiles. Mais, depuis les vacances de Pâques, nous assistons à une augmentation considérable de la solidarité et de la lutte. En avril, une grève au Portugal a été brisée du fait que la direction avait embauché du personnel d'autres pays. C'est alors qu'est née dans les syndicats l'idée d'une grève européenne. Nous avions trois revendications concrètes : nous voulions être reconnus officiellement comme syndicats, la législation du pays d'embauche devait être d'application et les conditions de travail devaient être partout les mêmes, y compris chez les sous-traitants.

Nous avons fixé un délai, sinon des actions auraient suivi. Nous avons discuté avec le personnel dans toute l'Europe. Les grèves que nous connaissons aujourd'hui en sont le résultat. Le patron de Ryanair, O'Leary, continue obstinément à traiter avec mépris les travailleurs et leurs revendications. Il ne s'est pas encore rendu compte qu'une solidarité s'est construite et qu'elle ne cessera pas avant qu'il n'ait répondu favorablement à nos revendications. »