Patrik Köbele (DKP) : « Refuser notre candidature aux élections et nous enlever notre statut de parti, c'est motivé par des raisons politiques »

Les autorités allemandes viennent d’interdire au Parti communiste allemand (DKP) de participer aux élections fédérales du 26 septembre prochain, qui marqueront la succession d’Angela Merkel à la tête du pays. Celles-ci invoquent des raisons administratives, mais pour le DKP, les motivations sont politiques et menacent l’existence même du parti et de la gauche en général. Explications de Patrik Köbele, président du DKP.

Entre 1989 et 1994, Patrik Köbele a été le chef du Sozialistische Deutsche Arbeiterjugend (SDAJ), le mouvement de jeunesse du DKP. Entre 2004 et 2009, il a été membre du conseil municipal d'Essen. Il est à la tête du DKP depuis mars 2013.

Pour quel motif le DKP ne peut-il pas participer aux élections ?

Patrik Köbele. Déjà en avril 2020, nous avons manifesté notre intention de participer aux élections fédérales du 26 septembre prochain. Après avoir pris les contacts nécessaires avec les autorités pour compléter notre dossier administratif, nous avons rempli toutes les formalités. Nous avions un peu de retard concernant notre comptabilité. Mais pour les élections précédentes, ça n’avait pas posé de problème.

La procédure s’est finalement terminée devant une commission parlementaire, qui devait statuer sur les demandes de tous les partis non représentés au parlement. La semaine dernière, le président de cette commission a décidé que le retard pour le dépôt de nos documents comptables justifiait le rejet de notre candidature et, par conséquent, la perte de notre statut de parti politique. Il a été suivi par tous les partis, sauf les Verts.

Quelles sont les conséquences de ce refus ?

Patrik Köbele. Les conséquences vont très loin. Il ne s’agit pas seulement de l’impossibilité de nous présenter aux élections. En Allemagne, le statut de parti politique est défini par la loi. Si un parti perd ce statut, il devient une association comme les autres et il est plus facile de l’interdire. C’est déjà arrivé plusieurs fois aux communistes dans l’histoire de notre pays.

Ne plus avoir le statut de parti politique enlève aussi la possibilité, pour ceux qui nous font des dons financiers, de les déduire de leurs contributions. Comme nous vivons uniquement des cotisations et dons de nos membres et sympathisants, notre survie financière est également compromise. Dans les faits, la décision du président de la commission électorale revient donc ni plus ni moins à interdire le DKP.

Le DKP est-il le seul visé par les autorités ?

Patrik Köbele. Malheureusement, non. L’année dernière, les autorités ont retiré à Attac-Allemagne et à l’association des victimes du régime nazi (VVN - la plus grande association antifasciste du pays) la possibilité de recevoir des dons financiers fiscalement déductibles. Plus récemment, le quotidien de gauche Junge Welt a été déclaré « ennemi de la Constitution », ce qui lui a fait perdre plusieurs contrats publicitaires et des réseaux de diffusion en librairie.

Pour nous, le fait de refuser qu’on se présente aux élections fédérales et de nous retirer notre statut de parti est motivé par des raisons politiques. Le DKP mène campagne contre le danger de guerre et milite pour que le coût de la crise ne retombe pas sur les travailleurs et leurs familles. Les forces de droite utilisent l’épidémie de coronavirus pour réduire l’espace démocratique et la liberté d’expression des forces de gauche et progressistes. Par contre, trois partis fascistes sont autorisés à participer aux élections. Ce n’est pas normal.

Est-il possible de faire annuler la décision des autorités ?

Patrik Köbele. Nous avons immédiatement déposé un recours devant la cour constitutionnelle. Nous avons de bons arguments juridiques. Et nous pouvons aussi compter sur une grande vague de solidarité. Près de 40 partis du monde entier (dont le PTB, ndlr) nous ont envoyé des messages de soutien. Nous les remercions très chaleureusement. En Allemagne aussi l’indignation est grande. Le VVN a immédiatement appelé à la solidarité. Beaucoup de mouvements et de personnalités de gauche ont manifesté leur indignation, y compris au sein des partis qui ont approuvé la décision de la commission électorale. Comme pour le VVN et Attac, nous sommes confiants dans l’idée que la mobilisation permettra de faire reculer les autorités.