Sébastien Pocognoli : « Le langage du foot est universel »

Samedi 12 juin, à 21h, les Diables rouges débuteront leur championnat d’Europe de foot contre la Russie. À quelques semaines du début de l’Euro... 2020, nous avons demandé à l'ancien Diable rouge Sébastien Pocognoli de nous parler de foot, et de bien d’autres choses...

« Lors des compétitions internationales, le pays est à l’arrêt durant les matchs, tout le monde a les yeux rivés sur les même images. Ces moments rassembleurs, de partage à une si grande échelle, sont rares à notre époque. C’est beau. La dernière coupe du monde, j’ai fait comme la plupart des gens, je l’ai regardée avec des amis. C’est un moment collectif : on parle d’une action, on débat d’un joueur, d’une décision arbitrale... Sur 90 minutes, il y a de quoi discuter! (Rires) Dans la période actuelle, cela prend tout son sens. Vivement que l’on se retrouve, devant un match ou ailleurs... » On espère pouvoir regarder les matchs des Diables entre amis, en famille, autour d’un verre. Sébastien Pocognoli aussi.

Rencontre avec un joueur à l’accent liégeois, au club bruxellois, au nom italien et qui a été connu du grand public en Flandre.

Les Diables ont-ils une chance selon vous ?

Sébastien Pocognoli. Ils font clairement partie des favoris, avec deux ou trois autres pays. Mais imaginons qu’ils gagnent, sans pouvoir partager cette victoire avec les supporters, cela n’aura pas la même saveur...

Vous avez terminé 4e des Jeux olympiques de 2008. Comment était l’ambiance dans le vestiaire des Diables rouges à l’époque ?

Sébastien Pocognoli. Très bonne. Comme maintenant. On a une équipe qui mélange des cultures et des origines différentes. C’est une grande richesse. Le second point fort de la génération actuelle est qu’elle a grandi ensemble, elle se connaît. La force de notre équipe nationale depuis une dizaine d’années, c’est le fait que même si on parle plusieurs langues, si on est issu de l’immigration, il y a une unité forte. Le langage du foot est universel.

À chaque interview, vous insistez sur l’importance du collectif. Pourquoi est-ce si important ?

Sébastien Pocognoli. Tout d’abord, vu que je n’ai jamais été un surdoué du football, j’ai toujours eu besoin du collectif pour atteindre un très bon niveau. Je savais qu’en me mettant au service du collectif, l’équipe allait être meilleure. Si les 11 joueurs le font, on peut faire de grandes choses. Sur un terrain, j’ai toujours préféré donner un assist (dernière passe décisive avant un but, NdlR) que marquer un but.

Après 48 ans d’absence, votre club, l’Union Saint-Gilloise, qui compte un des plus beaux palmarès du pays, retrouve la première division. 

Sébastien Pocognoli. C’est étrange de gagner un titre dans la période actuelle... Ce qui fait le charme de l’Union, c’est l’ambiance dans le stade. C’est un atout indéniable pour les joueurs. On se bat pour les supporters. Ils paient leur ticket, c’est grâce à eux qu’on peut vivre de notre métier. Quand on est petit, une raison de vouloir devenir joueur professionnel, ce sont les supporters.

L'interview contine en-dessous de la vidéo.

L’Union est un club populaire, comme la plupart des autres clubs où vous avez joué. Estce un choix de votre part de privilégier ce genre de clubs ?

Sébastien Pocognoli. Dans la vie, on apprécie certaines choses auxquelles on s’identifie. Moi, ce sont les clubs populaires qui m’ont toujours fait rêver. Ces clubs ont une certaine population de supporters dans laquelle je me retrouve. C’est une classe sociale que j’aime beaucoup. C’est elle qui crée l’ambiance dans les stades.

Votre père est un ouvrier, syndicaliste. Partagez-vous des traits de caractère ?

Sébastien Pocognoli. (Longue pause) Mes grands-parents ont dû quitter l’Italie dans les années 1950 pour venir ici en Belgique chercher du travail, sans savoir où ils mettaient les pieds. J’ai bénéficié de la lutte menée par mes grands-parents et mes parents. J’ai une vie moins difficile grâce à eux et même si je ne suis pas syndicaliste moi-même, je respecte les gens qui se battent pour leurs droits et ceux des autres. C’est très inspirant. C’est une fierté. D’une manière générale, je suis fier de mes origines. J’ai une famille italienne, un nom italien, des enfants métissés... La diversité est une richesse. La montée de l’extrême droite me fait peur mais si on regarde en arrière, mes parents et grands-parents ont plus été victimes de racisme que moi.

C’est la société qui rend les choses difficiles. Si l’extrême droite monte, c’est parce que la société ne tourne pas rond. Des gens sont désespérés et cherchent du réconfort. C’est sur ce désespoir que les partis d’extrême droite jouent. L’histoire nous montre que l’extrême droite est forte quand la période est difficile économiquement.

Vous semblez néanmoins optimiste...

Sébastien Pocognoli. Bien sûr, il y a de l’espoir. Que des jeunes sortent dans la rue pour soutenir des causes qui, je pense, sont justes, comme l’environnement, ça me rend optimiste. Le coronavirus nous a conscientisé sur beaucoup de choses... J’ai une grosse pensée pour tous les soignants, pour tous les gens qui ont dû continuer à travailler en s’exposant aux risques, aux gens qui cherchent des solutions, à nos grands-parents isolés et pour les adolescents qui ne peuvent pas aller boire un verre après leurs examens, qui ne peuvent pas vivre leur jeunesse. On doit rendre hommage à beaucoup de personnes de la société... Nous sommes peut-être tous sur le même bateau, mais certains doivent ramer plus que d’autres...