Tout montre que la tendance à suivre est la diminution du coût des études

« La Flandre suit la tendance à l’augmentation des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur », annonçait cette semaine le quotidien De Tijd. Et de prendre en exemple des pays européens où les coûts des études sont plus élevés qu’en Belgique. Comparaison ne fait cependant pas raison, loin de là : à y regarder de plus près, diminuer le coût des études est bel et bien le meilleur chemin à suivre, comme le montrent de nombreux pays.

L’article de De Tijd affirmait que, par rapport à l'évolution générale en Europe, même avec un minerval augmenté jusqu'à 950 euros, la Flandre resterait « avec un ticket d'entrée à l'enseignement supérieur assez bas ». Cet argument, les dirigeants du gouvernement flamand l’utilisent depuis plusieurs semaines pour justifier l’augmentation des frais d’inscription qu’ils ont imposée dans le cadre de l’austérité dans l’enseignement. 800 millions seront ainsi coupés dans ce budget, faisant passer le minerval d’un peu plus de 600 euros à jusqu’à 950 euros. Pourtant, les exemples ne manquent pas de pays où l’accès à l’enseignement supérieur est plus démocratique qu’en Belgique.

Comparer à qui ?

Ceux qui défendent l'augmentation des frais d'inscriptions mettent toujours l'accent sur les pays européens qui ont les montants les plus élevés. Il y a pourtant pleins de pays où les frais d'inscriptions sont moins élevés, voire même gratuits.

Ci-dessous : L’enseignement supérieur gratuit en Europe

En jaune, les pays qui appliquent la gratuité d’inscription dans l’enseignement supérieur. L'Allemagne, qui vient de changer (voir ci-dessous), devrait apparaître en jaune également.

Comparer quoi ?

On établit des comparaisons sans même tenir compte du type d'enseignement auxquels ils correspondent. Oui, l'enseignement supérieur est effectivement beaucoup plus cher en Grande-Bretagne. Mais cela se traduit concrètement par un modèle d'enseignement élitiste à 2 vitesses, avec de graves inégalités. Les jeunes des milieux populaires qui arrivent à finir l'enseignement supérieur démarrent leur vie active avec une dette monumentale à rembourser.

De l'autre côté, il y a les pays scandinaves, comme la Suède ou la Finlande. Ils constituent, en Europe, le modèle où l'accès à l'enseignement est le moins dépendant de l'origine sociale des jeunes. Non seulement au niveau des frais d'inscription et du coût des études (la gratuité y est alliée à un système développé de bourses et d'aides sociales en tout genre), mais aussi au niveau de la qualité générale de l'enseignement supérieur (reconnue notamment à travers les résultats de ces pays dans les fameuses études PISA).

Dans les pays scandinaves le facteur « porte-monnaie » des parents joue très peu dans l'accès à l'enseignement supérieur. Si l'on veut sérieusement comparer au niveau européen, force est de constater que, si l'objectif est d'aller vers un enseignement qui allie qualité et une plus grande égalité dans l'accès, c'est bien la tendance scandinave qu'il faut suivre. Une tendance qui pousse donc, entre autres, clairement à la diminution du montant des frais d'inscriptions.

Qui compare ?

Quand on parle de tous ces exemples étrangers, on ne parle jamais du point de vue des étudiants de ces pays. Pourtant, de la Grande-Bretagne aux Pays-Bas, de l'Autriche à l'Italie, les étudiants se sont soulevés contre les mesures d'augmentation des frais d'inscription. Et ce n'est pas par hasard qu'il y a eu des dizaines de milliers de jeunes dans les rues de Londres et Manchester, de Rome ou d'Amsterdam. L’augmentation des frais d’inscription est probablement la mesure qui a amené les plus grands mouvements étudiants ces dernières années. Et ce, parce que les étudiants savent à quel point il s’agit d’un pas clair vers un enseignement élitiste dont ils ne veulent pas.

Ainsi, le gouvernement flamand, pour justifier la hausse des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur néerlandophone, prend souvent en exemple le sud du pays et la Communauté française. Qu’il ait fallu attendre que les nationalistes aient le poste de ministre-président pour entendre la Wallonie prise comme exemple au parlement flamand peut prêter à sourire. Mais ce serait oublier que les étudiants francophones se battent depuis maintenant des années contre le coût trop élevé des études en Communauté française. Dénonçant les conséquences de celui-ci notamment en matière d'inégalités sociales. Corinne Martin, présidente de la FEF, le rappelait encore lors de son intervention à la manifestation étudiante début octobre. (http://ptb.be/articles/4-000-fois-pas-d-austerite-sur-notre-avenir)

Pour une fois, l’Allemagne montre le chemin

Enfin, si l'on parle de tendance actuelle, on doit évidemment évoquer la récente décision en Allemagne, dans le dernier Länder qui ne l'avait pas encore prise, de supprimer purement et simplement les frais d'inscriptions. Une décision motivée notamment par le fait que ceux-ci aggravaient les inégalités sociales dans l'enseignement.

Ceux qui brandissent certains exemples internationaux et se justifient avec des comparaisons entendent en réalité par là défendre une certaine vision de l'enseignement.

L’enjeu plus large : une société à deux vitesses

Face à la contestation, les dirigeants politiques veulent faire croire qu'ils n'ont pas bien su expliquer les mesures. Cependant, ces dernières semaines, sur les campus et dans les écoles, la jeunesse discute, débat et est très largement opposés aux plans du gouvernement. Exactement parce qu'elle les a très bien compris.

En effet, l'augmentation du minerval doit être ajoutée aux coupes de 5 % dans les budgets sociaux, qui affecteront notamment les kots étudiants ou la cantine scolaire, mais également aux mesures fédérales tels que le saut d'index. C'est une politique globale d'appauvrissement qui est menée et qui va démultiplier l'effet déjà néfaste en soi d'une augmentation des frais d'inscription. C'est parce qu'elle a compris le danger et l'ampleur de cette politique que la jeunesse se mobilise comme cela ne s'était plus vu depuis longtemps.

L’enjeu de la contestation aujourd’hui est plus large : il s’agit de remettre en question ce modèle injuste, où la majorité de la population se voit obligée de payer la crise, avec pour conséquence le développement d'une société toujours plus élitiste et à deux vitesses. Ce que nous contestons, c'est que la taille du portefeuille détermine les possibilités d'accès, certainement à des biens aussi précieux que l'enseignement. Et si Hilde Crevits a raison de dire qu'il y a d'autres facteurs importants qui expliquent les inégalités dans l'enseignement, nous lui répondrons qu'elle a par contre 100 % tort d'utiliser cela comme argument pour renforcer un de ces facteurs d'inégalité : le coût des études. C'est une bataille démocratique, du genre de celles que la jeunesse allemande a encore montré récemment qu'il était possible de gagner...