Mobilisation générale des syndicats contre le gouvernement des riches et des patrons

« L’accord gouvernemental a un effet destructeur sur la cohésion de notre société. » Le front commun syndical a des mots très durs envers le gouvernement Michel-De Wever et annonce un large plan d’action nationale.

« Notre analyse globale de l’accord gouvernemental est que la “coalition Monaco” présente la facture aux travailleurs, à leurs familles, aux allocataires sociaux. Ce gouvernement obéit au doigt et à l’œil aux souhaits des employeurs, des nantis et des investisseurs et ne leur demande quasi aucun effort. Ce programme a un effet destructeur sur la cohésion de notre société. Il est de notre devoir moral en tant qu’organisations représentatives d’une grande partie de la population (les syndicats rassemblent 3,3 millions des 4,5 millions de travailleurs du pays, NdlR) d’organiser la résistance. » Le ton de la conférence de presse du 15 octobre est donné par Rudy De Leeuw (FGTB). En examinant l’accord chapitre par chapitre, les dirigeants syndicaux argumentent leur position.

Salaires et pouvoir d’achat bloqués

« Les fédérations patronales refusent de voir que le pouvoir d’achat est le centre de la vie économique et de la croissance, et pas le coût du travail. Pour un jeune qui gagne en début de carrière 2500 euros brut, nous avons calculé que le saut d’index représente une perte de 23 000 euros sur sa carrière. Et cet argent que le travailleur ne reçoit pas aboutit directement dans la poche du patron, sans aucune garantie de création d’emploi. Au total, les patrons des entreprises privées empochent au moins 3,1 milliards d’euros. En plus, le gouvernement prolonge le blocage des salaires et retire une partie de l’enveloppe pour la liaison des allocations sociales au bien-être. Ce n’est pas comme ça que nous concevons l’équilibre dans les efforts à fournir. »

Relance ? quelle relance ?

« Nous espérions des investissements dans la relance durable et dans l’emploi, poursuit Marie-Hélène Ska (CSC). Mais nous n’avons rien trouvé dans l’accord. Cela confirme nos craintes : le gouvernement ne sera pas un acteur de l’économie. Nous aurions besoin d’investissements dans les transports, la justice, les services à la population. Mais le gouvernement comprime les dépenses au lieu d’investir. Par exemple, il réduit de 2,1 milliards le budget de la SNCB. Alors à quand le RER ? À quand une politique de transports publics qui décongestionne les routes ? Le trafic automobile et les embouteillages coûtent entre 3 et 7 milliards. Les travailleurs perdent des heures dans les files, mais le gouvernement estime aujourd’hui qu’un emploi convenable peut se situer jusqu’à 90 km du domicile. Et tout est à l’avenant. Le désinvestissement dans les services publics collectifs fera que, demain, il sera encore plus difficile de combiner travail et vie de famille.

C’est imposer une double peine à ceux (et surtout celles) qui doivent accepter des horaires difficiles, se déplacer parfois très loin, trouver des solutions pour garder les enfants.

Nous avions demandé une lutte plus intense contre le dumping social, le gouvernement nous annonce un renforcement de la lutte contre la fraude sociale. Pendant que des sociétés rapaces viennent chercher des cadeaux fiscaux et des réductions de cotisations sociales puis s’en vont voir si l’herbe est plus verte ailleurs.

Nous avions demandé une relance de l’économie, le gouvernement annonce une relance de la compétitivité et des profits. Ce n’est pas notre modèle de société. »

Une fiscalité à sens unique

Marc Goblet, nouveau secrétaire général de la FGTB : « Le choix politique fait par le gouvernement est d’économiser dans les dépenses des services publics, qui sont le premier pouvoir d’achat des travailleurs, et de la sécurité sociale. Ils annoncent qu’ils vont économiser deux milliards d’euros sans toucher aux patients. Mais il n’y a qu’eux qui y croient. L’augmentation de la TVA et des accises représente une perte sèche et directe de pouvoir d’achat. Le gouvernement est dans une logique qui va mener à la ruine de beaucoup de petits entrepreneurs qu’il prétend pourtant défendre. Ils bloquent les salaires, imposent un saut d’index et rendent la concertation impossible. Sans rien demander au capital. Or, dans un autre projet de société, dans un pays où il y a tant de capitaux, il était logique d’espérer un effort de ce côté. Mais nous n’avons rien trouvé de tel dans la déclaration du gouvernement. »

Sécurité sociale : un bain de sang

« Ce qui s’annonce pour la sécurité sociale n’est pas un “ice bucket” mais un véritable bain de sang, constate Marc Leemans (CSC). Les gens qui perdent leur boulot, les jeunes qui en cherchent un, ceux qui sont trop vieux ou trop malades pour travailler, les invalides, les temps partiels involontaires, tous sont la cible d’un véritable catalogue des horreurs. Le gouvernement en fait un sport : punir doublement ceux qui subissent les coups du sort et n’en peuvent rien. Prenons l’exemple des temps partiels involontaires : ils, enfin surtout elles, vont perdre un quart de leur maigre revenu après deux ans d’allocations de garantie de revenu. On assiste à la création de véritable “working poor” (des travailleurs pauvres, NdlR) dans les secteurs du nettoyage, de la distribution et des titres-services.

Le gouvernement nous annonce des “corrections”. Mais ces corrections seront payées par les travailleurs eux-mêmes ! L’indexation de 2 % des allocations sociales sera financée par une diminution de 16 % de l’enveloppe destinée à la liaison des allocations au bien-être.

Le tax-shift que nous avons proposé ? Le gouvernement l’applique dans le sens tout à fait opposé au nôtre : encore moins de taxes pour les fortunes, encore plus de taxes pour les travailleurs et leurs familles. Le gouvernement chante que “la gratuité n’existe plus”. Sauf pour les fortunes qui continuent à recevoir des cadeaux. La diminution de cotisations sociales creusera encore plus le trou dans la sécurité sociale, trou qui sera comblé exclusivement par ce que rapportera le saut d’index. Et la gestion de la sécu devra se faire avec moins de monde, puisqu’on ne remplacera qu’un fonctionnaire sur cinq qui partent à la retraite. Encore une fois, les travailleurs financent les cadeaux au patronat. »

Travailleur payeur

Marc Leemans conclut : « Cette déclaration gouvernementale est un véritable trophée idéologique du lobby patronal. Les fortunes planquées aux îles Cayman devront donner 160 millions à partir de 2016. Mais les travailleurs devront se passer de 4 milliards (saut d’index et diminution de cotisations sociales). On nous promet un milliard d’impôts en moins par l’augmentation de la déduction forfaitaire des frais professionnels. Mais, en même temps, on augmente la TVA et les accises sur le tabac, l’alcool et le diesel ! Et, au final, ceux qui “travaillent dur”, selon la formule chère à De Wever, deviennent en plus ceux qui “payent cher”. » 

Plan d’action des syndicats

Dès aujourd’hui commence une large campagne d’information et de sensibilisation sur les lieux de travail.

6 novembre : manifestation nationale
24 novembre : grève tournante dans les provinces de Liège, Luxembourg, Limbourg et Anvers.
1 décembre : grève tournante dans les provinces de Namur, du Hainaut, de Flandre-Occidentale et de Flandre-Orientale.
8 décembre : grève tournante provinces de Brabant Flamand et de Brabant Wallon et Bruxelles.
15 décembre : grève nationale