Nouvelle autoroute en Wallonie : une mauvaise nouvelle pour l'environnement et... la mobilité de la région

Le gouvernement wallon veut construire une nouvelle autoroute dans le Hainaut. « Un désastre pour la nature, la santé des habitants de la région et pour la mobilité », selon Sofie Merckx, conseillère communale PTB et habitante de Marcinelle….

La N5 Charleroi-Couvin est une nationale encombrée et dangereuse. Le gouvernement wallon a signé un accord fin octobre, qui prévoit la construction d’une autoroute reliant Couvin à Nalinnes, et un « trident », à savoir trois routes à hauteur du bois de la Ferrée à Nalinnes. 

Le projet Trident light a été présenté début mars à une réunion d’information. Comment s’est-elle déroulée ?

Sofie Merckx. Il faut d’abord souligner que de très nombreux habitants étaient présents : presque 1 000 personnes ont  voulu assister à cette séance d’information. Autre fait marquant : l’absence de Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi et ministre-président wallon (PS). Les bourgmestres des communes de Ham-sur-Heure et de Gerpinnes, ainsi que des mandataires wallons, étaient présents, mais pas de Paul Magnette à l’horizon... Et pourtant, ce projet aura inévitablement des conséquences sur la mobilité à Charleroi. Ajoutons que le ministre wallon de la mobilité, Carlo Di Antonio (cdH), n’a toujours pas fourni de réponses aux questions posées à ce propos. Quand un habitant de Charleroi l’a questionné à propos des conséquences de ce projet sur le trafic autoroutier sur le petit ring (R9) de Charleroi, il n’a pas répondu.

Que pensez-vous du projet ?

Sofie Merckx. C’est un désastre pour la nature et les espaces verts au Sud de Charleroi. Pour prendre un exemple, le Bois du Prince situé à Marcinelle sera massacré et coupé en deux par cette route. Ce poumon vert est essentiel à Charleroi et est utilisé par bon nombre de promeneurs, joggeurs, sportifs de la région. Plusieurs habitants l’ont relevé à la réunion : « Êtes-vous déjà monté sur le terril du Bois du Cazier pour voir ce magnifique bois, monsieur le ministre ? », demandait un riverain. « Je veux me battre pour sa préservation, pour mes petits-enfants. » Une autre dame : « M. le ministre, en semaine nous travaillons en ville, nous avons besoin de ces bois pour nous ressourcer, pour prendre l’air. »

« Êtes-vous déjà monté sur le terril du Bois du Cazier pour voir ce magnifique bois, monsieur le ministre ? »

Mais il semble que l’autoroute Couvin-Charleroi est le chaînon manquant d’une autoroute importante.

Sofie Merckx. Charleroi-Couvin serait le chaînon manquant entre – tenez vous bien – Marseille et Rotterdam ! Il y a déjà trois axes qui passent dans notre pays, celui-ci serait le quatrième. Il fera donc gagner quelques dizaines de minutes aux camions au prix de la destruction de zones vertes et agricoles et d’une qualité de vie que beaucoup d’habitants sont venus chercher en s’installant dans des communes plus rurales au sud de la ville. Le nombre de camions annoncés est très important ; on parle de plus de 70 000 véhicules par jour sur ce tronçon de route.

Mais la route est actuellement déjà encombrée, le projet serait une solution pour cela.

Sofie Merckx. Justement, non. La route prévue aura pour conséquence que beaucoup de camions traverseront nos champs, nos bois, notre ville. A la réunion, une dame a fait le commentaire suivant : « La population sera comme les vaches qui regardent passer les trains : elles les regardent mais ne les prennent que très rarement. » Les habitants ont d’ailleurs fait remarquer qu’il ne leur serait pas facile d’accéder à cette route depuis leur quartier.

Mais que proposez-vous alors ?

Sofie Merckx. La N5 entre Charleroi est effectivement fort encombrée, surtout aux heures de pointe : le matin et le soir et en fin de weekend. Il s’agit donc bien d’un trafic qui est essentiellement local, concernant des personnes habitant au sud de Charleroi et qui doivent se rendre au travail ou à l’école à Charleroi, Namur, Mons ou Bruxelles. Il faut donc trouver des solutions locales à ce problème de mobilité.

Charleroi-Couvin serait le chaînon manquant entre – tenez vous bien – Marseille et Rotterdam !

Nous manquons de transports en commun, par exemple. Il y a plusieurs années, le métro de Charleroi devait circuler jusqu’à Couillet Sud ; pourquoi ne pas exécuter ce plan et même prévoir une extension du métro ? Depuis 2014, le nombre de trains entre Charleroi et Couvin a été diminué de 13 sur la journée. Les habitants des villages tels que Yves-Gomezée, Ham-sur-Heure et Beignée n’ont plus que quelques trains par jour. Impossible donc d’y vivre sans une, voire deux voitures quand les deux travaillent dans un couple.

Puis vient le problème de la sécurité routière. Il y a quelques années, un de nos patients a été mortellement fauché par une voiture sur la partie de la N5 entre Couillet et Charleroi. Des mesures de sécurité sont nécessaires et il ne faut pas attendre la construction d’une autre route pour cela. Nous proposons des tunnels ou des ponts pour piétons et vélos à plusieurs endroits sur la N5. Aujourd’hui, on prend en otage les habitants de la N5 en leur disant qu’on ne pourra résoudre leurs problèmes de sécurité qu’à la condition de construire une nouvelle route. C’est n’importe quoi. Au cours de la réunion, pas mal d’habitants en étaient bien conscients ; ils sont rentrés chez eux déçus.

En ce qui concerne le transport de marchandises, des solutions comme le ferroutage pourraient aussi être proposées. En Suisse, cette pratique – qui consiste à charger des camions complets sur un train : tracteur + remorque + chauffeur – prend de l’ampleur, pourquoi pas dans notre région ? Un pensionné de la SNCB a fait cette proposition lors de la réunion.

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Certains disent que les « bobos » du sud de Charleroi veulent protéger leur quatre façades et ne se soucient pas de la mobilité des autres.

Sofie Merckx. Mais ce projet ne concerne pas que les habitants du sud de Charleroi. De plus, les traiter de « bobos » est non seulement insultant, mais également faux.

Il faut comprendre que le trafic autoroutier qui sera généré aboutira (via le GPS) sur le petit ring de Charleroi. Cela veut dire pollution et effets très néfastes sur la santé des habitants de Charleroi, déjà mal lotis avec un ring au-dessus de leur tête. Habiter à proximité d’une autoroute équivaut à fumer 17 cigarettes par jour. Pour toute réponse, le bourgmestre Magnette a expliqué que le ring pourrait devenir payant ! On croit rêver…

Il y a plus de dix ans, le gouvernement flamand a voulu construire un pont au-dessus d’Anvers pour « résoudre » les problèmes de mobilité. Ce pont n’est toujours pas construit grâce à la mobilisation citoyenne

Je pense que la solution du « trident light » est une solution du passé. Il y a 40 ans, on construisait des routes, mais on ne connaissait pas les effets cancérigènes des particules diesel, les conséquences néfastes des particules fines et du CO2 sur le climat notamment. On ne se rendait pas compte à ce moment à quel point la construction de routes est un réel aspirateur à encore plus de circulation routière. Aujourd’hui, on ne peut plus dire qu’on ne sait pas. Construire cette route, c’est asphyxier le sud et l’ensemble de la région de Charleroi. Nous devons arrêter ce projet !

Beaucoup de gens sont contre le projet mais pensent que les dés sont jetés, qu’on ne l’arrêtera pas…

Sofie Merckx. J’ai remarqué à la réunion qu’une majorité des gens étaient critiques vis-à-vis des plans proposés. Beaucoup comprennent  qu’on ne résoudra pas les problèmes de mobilité en construisant un « aspirateur » à camions. En plus, les gens ont des propositions alternatives.

Je suis convaincue que l’on peut arrêter le projet. Je vais vous donner un exemple : il y a plus de dix ans, le gouvernement flamand a voulu construire un énorme pont au-dessus d’Anvers pour « résoudre » les problèmes de mobilité. Aujourd’hui, ce pont n’est toujours pas construit grâce à la mobilisation citoyenne. J’ai vu récemment le documentaire « La bataille de l’Eau noire », l’histoire d’un combat des habitants de Couvin contre un projet de barrage. Malgré le début des travaux, les habitants ont pu empêcher le projet du barrage. C’est porteur d’espoir : si tous les citoyens concernés par ce projet s’unissent, ils peuvent inverser la logique !